Oscar Wao est un jeune américain vivant dans le New Jersey, avec sa mèreet sa sœur. Ce sont des exilés venus de Saint-Domingue pour fuir la violence du pouvoir dictatorial qui y règne. La mère, Belicia et la soeur, Lola, sont des beautés trahies,
battues par les hommes qu’elles aiment. Leurs histoires nous sont racontées tour à tour par le narrateur qui n’est autre que l’amoureux infidèle de Lola et l’ami étudiant d’Oscar.Ce dernier est un anti-héros par excellence : obèse, solitaire,grand lecteur, amateur de BD, de SF, de Tolkien surtout et de son monde dans lequel il se perd souvent en compensation de sa vie gâchée. Rien ne lui réussit et surtout pas l’amour dont il est obsédé. Il redoute par-dessus tout de mourir vierge, ce qui serait un grand déshonneur dans son milieu, mais son destin semble pourtant bien être celui-là ! Il parle trop à tort et à travers, il est trop maladroit et s’amourache toujours de la fille qui le repoussera jusqu’au jour où, de retour dans son île d’origine, il tombera follement amoureux d’une femme plus âgée qui a beaucoup vécu et c’est naturellement un euphémisme. Le souteneur de cette femme supportera-t-il la situation ? Peu importe ! Oscar, ne veut plus repartir. Son destin n’est-il pas tout tracé?
Jamais plus je n’oublierai Oscar Wao, le héros de ce véritable chef d’œuvre qu’est ce premier roman de Junot Diaz. C’est aussi fort que du Céline, aussi fou, aussi osé, aussi complexe et surtout d’une écriture aussi nouvelle, brutale, morcelée, chaloupée, violente et poétique à la fois, un mélange de jazz, de slam, d’argot des ghettos latinos-américains et de prose classique. Tout y passe de notre époque : la violence surtout, le métissage des peaux, des cœurs et des cultures, confronté à l’éternelle recherche individuelle de l’amour et de la reconnaissance sociale. C’est aussi le passé douloureux d’une île, Saint Domingue, encore hantée par l’horreur de la dictature de Trujillo, dans les années 40/50, l’exil forcé d’une bonne partie de sa population, les croyances superstitieuses et religieuses de la population, le vaudou, le «fuku » surtout, le grand responsable de la malédiction qui pèse depuis trois générations sur la famille dont il est question dans le livre. Le « fuku » est la force maléfique, le destin contre lequel il ne sert à rien de lutter. Quoi que fasse Oscar, le dernier rejeton de cette famille prédestinée au malheur, tout le pousse jusqu’à la tragédie finale. C’est aussi pur que du Sophocle, Ce livre est digne des tragédies antiques !
Ce résumé n’évoque qu’à peine le dixième de ce roman foisonnant, trop riche pour se laisser museler par les critiques. Il explose de vie, il est écrit magnifiquement et on en reparlera longtemps. Son influence ne fait que commence
La brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao par Junot Diaz
(Plon, « Feux croisés », 293 pages, janvier 2009, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laurence Viallet)
Prix Pulitzer 2008