Consécutivement à la dissolution des partis Batasuna, les candidatures de divers groupements électoraux à des élections locales furent annulées au motif que les candidats poursuivaient les activités de ces partis dissous.
Au sujet du droit à des élections libres (Art. 3 du protocole n° 1), la Cour européenne des droits de l'homme rappelle son " importance capitale " dès lors que " la démocratie représente un élément fondamental de "l'ordre public européen" " (§ 47 et 48). Ceci n'exclut néanmoins pas la possibilité de limitations de ce droit (§ 48), sachant que " la Cour distingue entre le " droit de vote [...] l'aspect "actif" des droits garantis par l'article 3 du Protocole no 1 et le droit de se présenter aux élections, qui en constitue son aspect "passif"" et " que le droit de se présenter aux élections législatives peut être encadré par des exigences plus strictes que le droit de vote " (§ 50). Après avoir reconnu que l'interdiction de candidatures peut être une conséquence logique de la dissolution d'un parti - dissolution qui serait à défaut sans effet - (§ 52), la Cour juge qu'a été suffisamment et individuellement établi par les juridictions internes le fait que certains candidats " voulaient continuer les activités des partis politiques déclarés illégaux " (§ 53). Il est au surplus notable que la juridiction strasbourgeoise ait souligné que " la mesure litigieuse ne répondait pas à une intention d'interdire toute manifestation d'idées séparatistes " comme le prouve " le contexte politique existant en Espagne, à savoir la présence de partis politiques à caractère indépendantiste dans les organes de gouvernement de certaines communautés autonomes et en particulier au Pays basque ". Ce point est important car la Cour a refusé par le passé de considérer que " l'expression de points de vue séparatistes " pouvait en soi justifier la conventionalité de sanctions étatiques (§ 55). Il est donc jugé que l'invalidation de la candidature des requérants " n'a pas porté atteinte à la libre expression de l'opinion du peuple " (§ 56).
Face à l'argumentation selon laquelle le Gouvernement espagnol cherchait, par la voie de l'invalidation, à " interdire toutes les expressions politiques de l'indépendantisme basque " (§ 58) et donc violait l'art. 10 (liberté d'expression), la Cour admet tout d'abord l'applicabilité dudit article. En effet, le droit à la liberté d'expression " principe fondamental objectif pour la vie en démocratie " (§ 63), " doit être interprété comme englobant également celui à communiquer des informations et des idées à des tiers dans un contexte politique " (§ 64). Toutefois, si les requêtes élargissant les critiques au-delà de la seule procédure électorale - au-delà donc de l'art. 3 du protocole n° 1, " lex specialis pour ce qui est de l'exercice du droit de vote " (§ 70) -, sont admises formellement sur le terrain de l'art. 10, la Cour va conclure à la non-violation de ce dernier en se bornant à transposer le raisonnement utilisé pour le premier grief (§ 72). Enfin, est aussi rejetée l'allégation de violation du droit au recours effectif (Art. 13). Les juges européens jugent que le délai de deux jours pour contester le refus d'enregistrement des candidatures est certes en deçà des " standards fixés par la Commission de Venise dans le "code de bonne conduite en matière électorale" " (§ 79 et § 37 - trois à cinq jours). Mais il est relevé " l'absence d'unanimité parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe " quant à ce délai de sorte que celui " prévu en Espagne ne constitue pas un exemple isolé ou une solution manifestement déraisonnable par rapport à la majorité des autres Etats " (§ 80). De plus, ce délai n'a pas fait obstacle in concreto aux recours des requérants (§ 81).
Actualités droits-libertés du 2 juillet 2009 par Nicolas HERVIEU