1950Anthony MannAvec : James Stewart, Dan Duryea, Rock Hudson
Winchester ’73 est une sorte de film à sketch, dont le fil narratif est la Winchester ’73 du titre, l’arme la plus réputée de l’époque où se déroule le film (1876). Fusil à gagner lors d’un concours à Dodge City, dont le juge est le fameux Wyatt Earp, tous les cowboys n’ont d’yeux que pour elle, les enfants rêvent de la toucher, les malfrats tueraient pour l’avoir, les indiens aussi. Passion des armes dans un pays qui s’est construit avec les armes, certains donneraient tout pour avoir cette arme parfaite, une sur mille, parfaite d’entre les parfaites. Elle passe de main en main au cours du film, prétexte à un certain nombre de portraits chaleureux, ce qui donne à cette première collaboration entre Anthony Mann et James Stewart une relative absence de profondeur, une certaine insouciance du fait que la plupart des personnages rencontrés ne seront plus revus ensuite.Le shérif Wyatt Earp d’abord, à mille lieues des interprétations mâchoires serrées ultérieures. Will Geer interprète un Wyatt Earp tout sourire, blagueur, presque débonnaire, mais qui fait bien sentir tout de même que sa réputation n’est pas usurpée. Il est tellement éloigné des autres interprétations que l’on connaît de cette légende de l’ouest que l’on se demande bien qui Mann pouvait bien avoir en tête lorsque les dialogues ont été écrits.Le personnage du marchand d’armes ensuite (John McIntire). Il semble vulnérable face aux trois bandits dans le relais reculé, pourtant à aucun moment il ne perd le contrôle de la situation, ce qui en fait un personnage extrêmement plaisant à voir évoluer. Puis curieusement, c’est dans son environnement normal, celui de la vente d’armes aux indiens, qu’il se fait avoir comme un bleu (par un Rock Hudson pas encore connu). Encore un personnage qui ne réagit pas vraiment comme on l’attend.C’est ensuite au tour du pleutre (Charles Drake), personnage peu fréquent dans les westerns, empli jusqu’à saturation de héros imperturbables. Celui-ci abandonne sa fiancée (Shelley Winters) en pleine poursuite avec les indiens. La poursuite est cinématographiquement belle, dans le sens où l’on remarque le travail accompli : le bruit de la roue, innocent gimmick, qui vient un temps masquer les cris des indiens, puis l’apparition des indiens au loin, sur une crête de colline qui oscille comme le titre au début, comme la destinée des personnages. Soudain la caméra nous montre les poursuivis du point de vue indien, et le plan est beau, on se rend compte de la distance qui leur reste à parcourir pour les rattraper, on prend conscience que la poursuite n’est pas un jeu, que chacun a sa chance et doit compter avec la distance et les accidents du terrain. Les poursuivis sont finalement recueillis par l’armée, menée par un officier très sympathique mais peu sûr de lui (Jay C. Flippen), des soldats très jeunes et peu expérimentés. Encore un poncif qui ne se comporte pas comme dans votre western du dimanche soir. L’officier doit son salut à l’aide de nos deux aventuriers, James Stewart et Millard Mitchell. On a également droit à un cours d’histoire militaire par les armes : Custer aurait perdu à Little Big Horn parce que l’armée n’avait pas de Winchester ! Bon, soit…si le film est financé par Winchester, il faut le dire ! :) Le plus gros morceau en termes de personnage secondaire est encore à venir. Dan Duryea, sorte de Billy The Kid qui aurait réussi à vivre un peu plus vieux, vicieux mais charmeur, plein de bons mots mais dangereux. Il s’empare du fameux fusil en supprimant le pleutre, pauvre pleutre qui aura tout de même su retrouver un peu de courage avant de mourir. Dan Duryea est le bandit frimeur et sans scrupules, à qui rien ne résiste. Et pourtant, il perd à son tour sa superbe, en même temps que sa Winchester, comme si décidément tout le monde dans ce film devait à un moment où à un autre agir d’une façon à laquelle on ne s’attend pas ! Et c’en est fini des personnages secondaires qui éclipsent la quête du « héros », le reste est pure action, Dan Duryea meurt de façon théâtrale, les coups de feu pètent à travers une diligence en mouvement, et James Stewart peu assouvir sa vengeance contre son frère Stephen McNally dans les rochers, avec un duel à la winchester des plus sympathiques, où le danger ne vient pas nécessairement des tirs directs eux-mêmes, mais des ricochets induits. Magistral ! Pas aussi noir et magistral que les futures collaborations entre Stewart et Mann, mais magistral quand même ! Capture: New York Sun