6. Il est dit de Lazare: «C'est un mort de quatre jours.» C'est que réellement il y a comme quatre degrés qui
conduisent l'âme à cette affreuse habitude dont je vous entretiens. Le premier est comme un sentiment de plaisir qu'éprouve le coeur; le second est le consentement; l'action, le troisième; et
l'habitude enfin, le quatrième. De fait, il est des hommes qui rejettent si vigoureusement les pensées mauvaises qui se présentent à leur esprit, qu'ils n'y sentent aucune délectation. Il en est
qui y goûtent du plaisir, mais sans consentement: ce n'est pas encore la mort, c'en est toutefois comme le commencement. Mais si an plaisir vient se joindre le consentement, on est coupable.
Après avoir consenti au mal, on le commet; puis le péché devient habitude; on est alors comme dans un état désespéré, on «est un mort de quatre jours, sentant déjà mauvais.» C'est alors que vient
le Seigneur. Tout lui est facile, mais il veut te faire sentir combien pour toi la résurrection est difficile. Il frémit en lui-même, il montre combien il faut de cris et de reproches pour
ébranler une habitude invétérée. A sa voix, néanmoins, se rompent les chaînes de la tyrannie, les puissances de l'enfer tremblent, Lazare revient à la vie. Le Seigneur, en effet, délivre de
l'habitude perverse les morts même de quatre jours. Quand le Christ voulait le ressusciter, Lazare après ses quatre jours était-il pour lui autre chose qu'un homme endormi Mais que dit-il?
Considérez les circonstances de cette résurrection.
Lazare sortit vivant du tombeau, mais sans pouvoir marcher. «Défiez-le, dit alors le Seigneur à ses disciples, et le laissez aller.» Ainsi le Sauveur ressuscita ce mort, et les disciples
rompirent ses liens. Reconnaissez donc que la Majesté divine se réserve quelque chose dans cette résurrection. On est plongé dans une mauvaise habitude et la parole de vérité adresse de sévères
reproches. Mais combien ne les entendent pas! Qui donc agit intérieurement dans ceux qui les entendent? Qui leur souffle la vie dans l'âme? Qui les délivre de cette mort secrète et leur donne
cette secrète vie? N'est-il par vrai qu'après les reproches et les réprimandes le pécheur est livré à ses pensées et qu'il commence à se dire combien est malheureuse la vie qu'il mène, combien
est déplorable l'habitude perverse qui le tyrannise? C'est alors que honteux de lui-même il entreprend de changer de conduite. N'est-il pas alors ressuscité? Il, a recouvré la vie, puisque ses
désordres lui déplaisent. Mais- avec ce commencement de vie nouvelle, il ne saurait marcher; il est retenu par les liens de ses fautes et il a besoin qu'on le délie (432) et qu'on le laisse
aller. C'est la fonction dont le Sauveur a chargé ses disciples en leur disant: «Ce que vous délierez sur la terre, sera aussi délié dans le ciel (Mt 18,18).»