Gitmek- My Marlon and Brando
"Tu es mon Diego Rivera... tu mon Marlon et mon Brando... tu es la dernière lettre de Garcia Marquez..."Attention vraie histoire d'amour romantique avec lettres, promesses, séparation et tout et tout. La Juliette c'est Ayça Damgaci, jeune actrice stanbouliote rondelette et très fleur bleue. Son Roméo s'appelle Hama Ali Khan, star kurde irakienne vieillissante, mais toujours séducteur. Gitmek raconte leur histoire, ou plutôt leur séparation, en pleine guerre d'Irak. Le film s'appuie sur la véritable histoire de ce couple atypique, où les acteurs jouent leur propre rôle. Ils se sont rencontrés lors d'un tournage de film à Dyarbakir, la capitale kurde de Turquie, ont promis de se retrouver. Seulement la guerre s'en mêle. La frontière irako-turque se referme. Ayça se lance alors dans un drôle de voyage sur les routes turques, et iraniennes à la poursuite de son amour prisonnier dans son pays. Ce road-movie réjouissant repose beaucoup sur la personnalité d'une jeune femme passionnée, romantique, entêtée, presque d'un autre temps. Le film joue les équilibristes entre comédie, road-movie et tragédie. En général il choisit plutôt d'en rire. Plus la guerre se rapproche, plus le ton des lettres-vidéos envoyées par Hama recourent au burlesque (mémorable séquence où Hama devient superman). Comme autant d'antidotes à la laideur ambiante. Hüseyin Karabey, le réalisateur, a le chic pour explorer habilement les chemins du choc culturel.
Le réalisateur turc n'est plus à présenter. En quelques films il a imposé son cinéma lent, contemplatif et sa photograpie manipulée. Après Uzak et Climats, voici Üç Mayum - Trois Singes, un film magistral, ténébreux, plombé par des ciels d'orage trop lourds. Avec Istanbul comme décor, et une photographie métallisée, triturée, artificielle Nuri Bilge Ceylan plonge dans les noirceurs de l'âme et construit une tragédie des temps modernes. Deux meurtres, des mensonges, et des infidélités : une famille sauve maladroitement sa peau malgré les silences, les bassesses et les humiliations. Nuri Bilge Ceylan ne s'attache pas aux actes. Le premier meurtre est évacué rapidement, l'infidélité à peine évoquée. Toute l'intensité réside dans "l'après", dans les conséquences des actes. La beauté formelle du film, lumineux et sombre à la fois, agit comme un révélateur des compromissions de l'âme. Les hommes ont renoncé à porter haut leurs valeurs. Seuls, ils se battent contre l'orage, la pluie et les ciels sombres que Ceylan abat sur leurs têtes.