Lui c'est Mohammed Ali, recordman de lecture du Coran, champion de gonflette à ses heures perdues, muezzin dans la plus grande mosquée du Caire. Depuis une semaine il est aussi l'un des quatre personnages principaux de la nouvelle pièce de Stefan Kaegi Radio Muezzin. La Hau 2 est pleine à craquer, en ce lendemain de première. Me voilà assise par terre sur des coussins à quelques centimètres des tapis de mosquée qui délimitent l'espace scénique. Le noir se fait, quatre voix surgissent à différents endroits de la salle. L'appel à la prière. Pour sa nouvelle pièce le metteur en scène de Rimini Protokoll ne change pas le principe de son théâtre-documentaire unique. Après les journalistes, les collectionneurs de train miniatures, les télé-opérateurs indiens, Kaegi donne la parole aux muezzin des mosquées du Caire. Ils sont quatre sur le tapis, racontant avec le souci du détail leur vie quotidienne, leur métier, leur salaire. L'un est aveugle, fait deux heures de trajet chaque matin pour se rendre à la mosquée où il apprend le coran aux enfants. L'autre était électricien et ne joue les muezzins que pour passer le temps, sans être rémunéré. Le troisième doit travailler de nuit dans une boulangerie pour faire vivre sa famille. Le metteur en scène suisse (mais basé à Berlin, au Hebbel am Ufer Theater) a passé trois mois dans la capitale égyptienne pour le casting, les recherches, le tournage (la vidéo est essentielle). Il y a 30 000 mosquées au Caire. Autant de voix différentes qui appellent cinq fois par jour à la prière (le azan), en se faisant écho. Mais le ministère de la religion, qui emploie ces muezzins, a décidé de se passer de leurs services et de n'en garder que 30 pour se relayer derrière un micro et une radio qui diffusera la voix dans toute la ville. J'avais beaucoup aimé Breaking news qui laissaient la parole à des journalistes. Radio Muezzin m'a moins convaincue, m'a même mise mal à l'aise. Heureusement la vidéo vient rééquilibrer les moments flottants de cette pièce. On imagine que Kaegi a voulu avec Radio Muezzin nous offrir une vision de l'Islam au plus proche de la réalité de ceux qui la vivent. Mais là, sous les yeux d'un public allemand, l'exercice prend un côté trop pédagogue, observateur, sans grand regard artistique. Les quatre muezzins récitent parfois avec beaucoup d'hésitation leur texte. Ils jouent leur vie devant nous, œil occidental posé sur leur société, leur religion. En somme ils nous informent de leur condition. Cela suffit-il à faire sens au théâtre? Jouent-ils, prennent-ils du plaisir à cette mise en abyme? Pas évident en les regardant baisser les yeux au moment du salut, un peu encombrés d'être applaudis pour avoir récité leur vie.
Lui c'est Mohammed Ali, recordman de lecture du Coran, champion de gonflette à ses heures perdues, muezzin dans la plus grande mosquée du Caire. Depuis une semaine il est aussi l'un des quatre personnages principaux de la nouvelle pièce de Stefan Kaegi Radio Muezzin. La Hau 2 est pleine à craquer, en ce lendemain de première. Me voilà assise par terre sur des coussins à quelques centimètres des tapis de mosquée qui délimitent l'espace scénique. Le noir se fait, quatre voix surgissent à différents endroits de la salle. L'appel à la prière. Pour sa nouvelle pièce le metteur en scène de Rimini Protokoll ne change pas le principe de son théâtre-documentaire unique. Après les journalistes, les collectionneurs de train miniatures, les télé-opérateurs indiens, Kaegi donne la parole aux muezzin des mosquées du Caire. Ils sont quatre sur le tapis, racontant avec le souci du détail leur vie quotidienne, leur métier, leur salaire. L'un est aveugle, fait deux heures de trajet chaque matin pour se rendre à la mosquée où il apprend le coran aux enfants. L'autre était électricien et ne joue les muezzins que pour passer le temps, sans être rémunéré. Le troisième doit travailler de nuit dans une boulangerie pour faire vivre sa famille. Le metteur en scène suisse (mais basé à Berlin, au Hebbel am Ufer Theater) a passé trois mois dans la capitale égyptienne pour le casting, les recherches, le tournage (la vidéo est essentielle). Il y a 30 000 mosquées au Caire. Autant de voix différentes qui appellent cinq fois par jour à la prière (le azan), en se faisant écho. Mais le ministère de la religion, qui emploie ces muezzins, a décidé de se passer de leurs services et de n'en garder que 30 pour se relayer derrière un micro et une radio qui diffusera la voix dans toute la ville. J'avais beaucoup aimé Breaking news qui laissaient la parole à des journalistes. Radio Muezzin m'a moins convaincue, m'a même mise mal à l'aise. Heureusement la vidéo vient rééquilibrer les moments flottants de cette pièce. On imagine que Kaegi a voulu avec Radio Muezzin nous offrir une vision de l'Islam au plus proche de la réalité de ceux qui la vivent. Mais là, sous les yeux d'un public allemand, l'exercice prend un côté trop pédagogue, observateur, sans grand regard artistique. Les quatre muezzins récitent parfois avec beaucoup d'hésitation leur texte. Ils jouent leur vie devant nous, œil occidental posé sur leur société, leur religion. En somme ils nous informent de leur condition. Cela suffit-il à faire sens au théâtre? Jouent-ils, prennent-ils du plaisir à cette mise en abyme? Pas évident en les regardant baisser les yeux au moment du salut, un peu encombrés d'être applaudis pour avoir récité leur vie.