Interview. Arnaud Gossement, porte-parole de France Nature Environnement, critique la création d'un nouveau régime d'installations classées.
Par GUILLAUME LAUNAY
Une ordonnance publiée vendredi au Journal officiel a créé un nouveau régime simplifié d’installations industrielles classées. Adopté dans le cadre du plan de relance, ce régime vise à accélérer les procédures. Une nouveauté «totalement contraire à l’esprit du Grenelle», dénonce Arnaud Gossement, juriste et porte-parole de la fédération France Nature Environnement.
C’est quoi une installation classée ?
Cela concerne en France 500 000 installations industrielles dont les activités présentent un risque pour la santé ou l’environnement. Ça va de l’usine chimique à la station-service en passant par les bâtiments agricoles comme les porcheries. Les plus dangereuses [on en compte 51 000, ndlr] sont soumises à autorisation préfectorale : il faut réaliser une étude d’impact, une enquête publique, ça dure un an à un an et demi et beaucoup d’industriels trouvent ça trop long. Les autres sont soumises à simple déclaration, une procédure qui prend entre trois et quatre mois.
Qui contrôle ces installations ?
Pour 500 000 installations classées et 300 000 sites pollués, il y a 1 200 inspecteurs. Il en faudrait au moins quatre fois plus ! Les installations les plus dangereuses ne sont contrôlées en moyenne que tous les dix ans, les autres quasiment pas. Seuls des bureaux d’études s’en chargent : c’est une privatisation du contrôle. Mais plutôt que de créer plus de postes d’inspecteurs, le gouvernement préfère diminuer le nombre d’installations à contrôler.
D’où vient ce troisième régime ?
L’idée date de 2006, et depuis on se bat comme des chiens contre cette réforme. Elle avait d’abord atterri dans le projet de loi Grenelle 2 avant que Borloo ne la retire. Finalement, c’est Patrick Devedjian [arrivé au ministère de la Relance] qui a repris le projet : il a été inclus dans sa loi sur la relance, examinée en janvier. Et l’ordonnance a été adoptée par le gouvernement, sans publicité évidemment. Nous estimons que 80 % des installations les plus dangereuses vont basculer dans ce nouveau régime, beaucoup moins contraignant : un dossier d’enregistrement, pas d’enquête publique, pas d’étude d’impact et un contrôle par des bureaux d’études privés. Et tout ça alors qu’une table ronde sur les risques industriels se déroule en ce moment. Dans ce cadre, nous boycotterons tout débat relatif à ce troisième régime. En plein Grenelle, on fait le contraire de la méthode annoncée. La révolution verte de la classe politique va devoir encore attendre, là on est en pleine relance grise.