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Grippe A : et si on prenait un peu de recul ?

Publié le 03 juillet 2009 par Raphael57

Grippe A : et si on prenait un peu de recul ?


Je reviens juste de mes pérégrinations parisiennes qui m'ont conduit à participer au jury d'admission d'une grande école d'ingénieurs comme je vous l'avais dit. S'il y a bien quelque chose que je retiens de ces journées, c'est le nombre de fois où l'on m'a cité la grippe A comme événement de l'actualité. Même à la gare de l'Est j'ai eu le droit à la phraséologie sanitaire officielle : "si après votre voyage vous avez de la fièvre...". L'information a en effet été renforcée dans les gares et les aéroports français à la suite du passage au niveau 6 d'alerte (pandémie) pour la grippe A, décidé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) le 11 juin 2009.
Je souhaiterais juste faire quelques remarques à ce sujet : le niveau 6 (pandémie) n'a été atteint, à ma connaissance, que trois fois au cours du XXe siècle :
* En 1918-1919, la grippe espagnole a fait de 50 à 100 millions de morts à une époque où vaccins, antiviraux et antibiotiques capables de traiter les infections secondaires n'existaient pas.
* En 1957, la grippe asiatique a fait 4 millions de morts.
* En 1968, la grippe de Hongkong a fait 2 millions de morts.
Qu'en est-il de la grippe A actuelle ? Selon le dernier bilan publié mercredi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le virus H1N1 de la grippe porcine a contaminé 77 201 personnes dans 120 pays et territoires, et fait 332 morts. Certes, c'est une tragédie pour les proches de ces personnes. Mais ce chiffre justifie-t-il la panique actuelle lorsqu'on sait, à titre de comparaison, que la grippe saisonnière est à l'origine, chaque année, de 3 à 5 millions de cas graves et de 250 000 à 500 000 décès, selon l'Institut Pasteur ?
En creusant un peu, on comprend que certains laboratoires pharmaceutiques viennent de sauver leur chiffre d'affaires annuel avec les commandes de Tamiflu et de Relenza, deux médicaments qui traitent plus ou moins bien les virus de la grippe (encore que de nombreux spécialistes nuancent leur efficacité...). Ainsi, la laboratoire Roche, peut enfin écouler ses stocks qui datent de la grippe aviaire de 2005 : d'après l'Humanité, en France, une boîte de Tamiflu de 75 mg (dose adulte) en gélules est vendue directement par le fabricant aux hôpitaux au prix de 17,87 euros (24,85 euros en pharmacie). Sachant que la France a passé commande pour 24 millions de traitements - auxquels s’ajoutent 9 millions de Relenza, l’autre antiviral, produit par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline - on peut estimer que le coût total de Tamiflu s’élèverait à 428 millions d'euros ! Petit rappel : la même boîte valait 7,70 euros en 2006...
Il en est de même des vaccins contre le virus de la grippe A. Les différentes annonces péremptoires sur la nécessité de vacciner toute les population d'un pays contre le virus H1N1 (dès que le vaccin sera disponible !), explique certainement aussi pourquoi, bien que la crainte d’une pandémie avait fait reculer les Bourses européennes, les valeurs pharmaceutiques continuaient à grimper... Et depuis, c'est véritablement la course à la création de vaccins qui s'est engagée : Sanofi Pasteur a ainsi reçu une commande de vaccins émanant des États-Unis pour un montant de 136 millions d’euros, tout comme le britannique GlaxoSmithKline (GSK), pour une commande d’un montant de 130 millions d’euros. La France a même pris une option pour sur 50 millions de doses auprès de GSK, et négocie avec Sanofi Pasteur et Novartis pour l'achat de 50 millions de doses supplémentaires. Le suisse Novartis a semble-t-il pris de l'avance sur ses concurrents et a déjà reçu des commandes de plus d’une trentaine de gouvernements d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord (206 millions d’euros ont d'ailleurs été fournis par le ministère de la Santé américain).
En définitive, sans minimiser pour autant cette épidémie, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est indispensable de prendre un peu de champ par rapport à cette question pour la replacer notamment dans son contexte économico-politique.
N.B : pour l'instant ça va, je suis vivant encore...


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