Viviane Moore, Le sang des ombres

Par Argoul

Tancrède d’Anaor, le bel étalon blond de 20 ans, fils bâtard du duc de Pouilles en ce royaume normand de Sicile, a pris possession de son château, situé sur les hauteurs de l’intérieur. Il voisine avec le comte Manfred, au fils emporté, et avec la mystérieuse ensorcelante Sykelgaite, fille de prince, qui vit seule avec ses serviteurs et ses archers arabes dans une ancienne villa romaine. L’existence campagnarde s’écoulerait sans heurt, entre la récolte des olives et celle des pistaches, si des jeunes filles ne disparaissaient régulièrement. De 9 à 18 ans, les jouvencelles sont emportées par deux cavaliers chevauchant les nuages et une bête à face de loup. C’est du moins ce qu’on murmure le soir dans les chaumières.

Tancrède a quitté les lourdes intrigues de la cour de Palerme pour se trouver empêtré dans les passions sourdes qui explosent avec une violence barbare dans cette Sicile métissée d’Arabes, de Lombards, d’Orientaux et de Normands. La droiture des uns est étrangère aux mœurs des autres et la voie du Christ n’est pas la justice de certains. Le jeune homme, tout neuf seigneur, aura fort à faire pour se concilier ses gens, louvoyer en politique parmi ses pairs et ne pas se laisser trop entraîner par ses sens.

L’intrigue est palpitante, menée avec art tout au long des chapitres, et fouette le sang. Il y a de la passion, des tortures et du cœur. La Bête, tapie dans l’ombre, sera-t-elle punie de ses forfaits ? La lâcheté des seigneurs sera-t-elle rachetée par l’inflexibilité du Prieur ? Les philtres d’amour auront-ils raison de la droiture d’esprit et de l’indépendance normande de Tancrède ? Ce roman bien écrit vous le dira, tout en vous instruisant avec humanité sur les façons du temps.

Viviane Moore, Le sang des ombres, 2008, 10/18, 319 pages, 7.5€