Non, Michael Collins va là où les âmes se morfondent, là où les esprits prennent un chemin tortueux et jamais tracé dans la ligne qu’ils auraient espérée. Il dessine au trait brut des personnages troubles, toujours enclin à rater quelque chose, et souvent leur vie.
Plaçant de manière récurrente ses histoires dans les années quatre-vingt, il dresse ici une scène finalement banale d’emblée : E. Robert Pendleton, professeur à l’université de Bannockburn a lui aussi raté quelque chose : sa carrière d’écrivain. Bloqué dans l’obscurité d’un boulot à la routine et la superficialité déprimantes, il est régulièrement confronté à son échec professionnel lorsque resurgit son ami devenu ennemi Allen Horrowitz, auteur à succès et maître des best-sellers.
Lors de leur dernière rencontre, Pendleton sait qu’il est temps pour lui de se suicider. S’étonne de n’y avoir pas pensé plus tôt. Passe à l’acte et… rate son suicide. Aussi.
Dans le coma, il a pourtant laissé derrière lui un testament qui lie malgré elle Adi Wiltshire, étudiante sur le tard peinant à mener à bien son doctorat, à son existence de légume. Parce qu’elle s’était rangée du côté d’Horrowitz, Pendleton lui laisse le fardeau d’être la légataire de son œuvre.
Et c’est en fouillant dans ses cartons qu’Adi tombe sur un roman publié à compte d’auteur, « Le Cri », sorte d’autobiographie d’un meurtrier. Découvrant un vrai chef d’œuvre, Adi s’associe à Horrowitz pour faire republier « Le Cri ». Un succès.
Mais bien vite, on fait le rapprochement entre le récit et le meurtre, réel celui-là, d’une fillette de 13 ans, survenu dix ans plus tôt, à l’époque de la première édition du roman de Pendleton…
Culpabilité, ambition, hypocrisies, manipulations… Personnages en remise en question, identités floues, bousculées, l’atmosphère est sombre, les âmes sont grises. Même celle du policier mis sur l’enquête, fuyant ses souvenirs et sa vie familiale, poursuivi lui aussi par ses échecs personnels et ses obsessions.
Pas de légèreté mais un art des plus aiguisés pour dresser un tableau profond, minutieusement pensé et réaliste. Collins est un auteur fascinant, même s’il nous emmène dans des recoins sombres, même s’il nous fait voir le noir tant et si bien que le blanc finirait presque par nous faire cligner des yeux.
Plus accessible que « La filière émeraude » ou « Les gardiens de la vérité », « La vie secrète de E. Robert Pendleton » est néanmoins un roman dense, extrêmement bien construit, avec une intelligence qui force l’admiration. De la grande qualité littéraire…