Le 27 janvier 2009 - c'est rare pour être souligné - le Grand Conseil vaudois approuve à l'unanimité une résolution (ici), déposée le 20 janvier 2009 par le député radical
Marc-Olivier Buffat :
Au vu des projets de regroupement des activités TV, radio, web, actuellement à l'étude au sein de la radio télévision suisse romande, le Grand Conseil souhaite que le
Conseil d'Etat prenne toute mesure utile pour maintenir l'équilibre historique et actuel entre les pôles radiophoniques de Lausanne et le site de la télévision à Genève, et qu'il intervienne
activement et fermement auprès des organes concernés en vue d'éviter tout démantèlement même partiel des activités radiophoniques en matière d'information et d'actualité notamment sur le site
lausannois et vaudois.
Que craignent les députés vaudois ? Que la diversité de l'opinion ne soit pas conservée (ici). Comme si elle l'était vraiment aujourd'hui... En réalité, en cette période de crise, ils
craignent surtout que des emplois soient supprimés dans le canton de Vaud. Ils ne voient pas que l'entreprise puisse être de moins en moins compétitive dans un environnement médiatique qui a
beaucoup changé, notamment avec la progression d'Internet et des offres multiples qui lui font concurrence, en dépit de la distorsion en sa faveur, due à la manne étatique.
Le 19 mars 2009 (ici), la SSR [Société suisse de radiodiffusion et de télévision] (ici) entérine le regroupement redouté par les députés vaudois. Ce regroupement des entreprises se double en fait d'un projet de convergence des médias baptisé UNO.
Le 22 avril 2009 (ici), le Conseil d'administration de la RTSR [Radio télévision suisse
romande] décide de confier la direction du projet UNO à Gilles Marchand, l'actuel Directeur de la TSR.
Le 23 juin 2009 (ici), le Directeur général de la SSR, Armin Walpen,
qui prendra sa retraite en 2010, annonce que l'endettement de la société risque de passer de 200 à 790 millions. A moins que les recettes n'augmentent, c'est-à-dire que n'augmentent les
redevances ou les rentrées publicitaires. Ou à moins que les dépenses ne diminuent, c'est-à-dire que ne soient supprimés des emplois ou des contenus.
Il faut savoir que le budget 2008 de la SSR comprenait 1 milliard 580 millions de recettes, dont 1 milliard 129 millions de redevances de réception et 361
millions de recettes commerciales, et que le déficit 2008 s'est élevé à 79 millions.
Il est curieux que lors de cette dernière annonce, faite par le patron du groupe, il n'ait pas été question du projet de regroupement censé permettre d'économiser 10%
dans les domaines de support et dans les infrastructures comme le dit Gilles Marchand dans la Lettre d'information 1 de Convergence, qui précise
après :
Ces économies seront réalisées au niveau de la région ou au niveau national. Les solutions les plus efficaces seront retenues, de manière pragmatique.
Faut-il croire Gilles Marchand quand il dit dans cette même lettre : ce projet stratégique, basé sur une démarche participative,
doit [...] permettre d'anticiper les bouleversements du paysage médiatique. Il doit également permettre de dégager des moyens qui seront réinvestis dans nos offres radio, télévision et
internet ?
Toujours est-il que Gilles Marchand explique que ce projet stratégique, dont le comité qu'il préside déposera au Conseil d'administration conclusions et propositions en octobre, est guidé par trois
intentions fondamentales :
- Renforcer la visibilité des programmes et gagner en intelligence : il compte sur des collaborations étroites entre radio et télévision pour y parvenir, au
milieu des multiples offres du paysage audiovisuel;
- Promouvoir la vitalité de la région romande tant sur le plan national que francophone;
- Dégager des moyens : nous avons vu plus haut quelles étaient les ambitions que laisse espérer le regroupement.
Gilles Marchand pense que le regroupement des entreprises pourrait être effectif dès le début de l'année prochaine, mais que la convergence des médias devrait se développer sur 5 ans.
Pour élaborer le projet UNO Gilles Marchand a lancé près de 70
groupes de réflexion en interne : ce sont les cadres et collaborateurs de la RSR et de la TSR qui, selon lui, sont les mieux placés pour porter [le] projet et imaginer
la future entreprise.
Dans un article de L'Hebdo, daté de ce jour (ici), Patrick Vallélian joue les rabat-joie
:
On comprend mieux le mariage forcé entre la TSR et la RSR. Une convergence qui, officiellement, doit donner plus de moyens à la radio et à la TV romande. Mais en coulisses les langues se délient.
Elles affirment que, avec la réforme de la SSR, les Romands ont plus à perdre qu'à gagner face à un nouveau big boss de la SSR.
Il ne voit pas l'avenir en rose, mais en sombre :
La rentabilité passera avant le sacro-saint fédéralisme et les exceptions linguistiques [...]. Qui dit alors que Berne n'imposera pas aux Romands de faire leurs achats de séries à Zurich plutôt
qu'à Paris ? Ou que les émissions de débat politique devront être centralisées à Berne ? ou le 19:30 à Zurich, comme dans les années 80 ?
Patrick Vallélian se demande si la SSR a vraiment le choix, se référant à ce que dit le professeur Roger Blum, qui enseigne les sciences des médias à
l'Université de Berne :
Le groupe ne pourra pas faire l'économie d'une vraie réflexion sur sa mission de service public.
Le journaliste conclut :
Le train de la restructuration est déjà en gare de Berne. La SSR de grand-papa aura vécu.
Plutôt que de chercher midi à quatorze heures ne faut-il pas dire tout simplement que le service public est un mythe, comme L'Institut Constant de
Rebecque le démontrait dans une étude publiée le 26 septembre 2007 (ici) ? Un mythe que le marché des médias devenus
multiformes se charge de complètement démythifier... L'engagement d'un Gilles Marchand et la force de conviction qui l'anime n'en paraissent que plus pathétiques.
Francis Richard
L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence (ici) mon émission sur le même
thème.