Je ne suis pas persuadé que la baisse de la TVA dans la restauration soit une bonne chose, mais je peux me tromper...
Petits calculs
Si, avant la baisse de la TVA dans la restauration, un plat était proposé à 20€, 3,28€ allaient directement dans les caisses de l'Etat sous forme de TVA et il restait 16,72€ au restaurateur. Aujourd'hui, sur 20€, 18,96€ vont directement dans la poche du restaurateur, contre 1,04€ dans les caisses de l'Etat (baisse de 68% des recettes). Le restaurateur qui décide de répercuter toute la baisse proposera à 17,64 € un produit anciennement vendu à 20€ (soit une baisse de près de 12% pour le client).
Rien ne bouge
Le restaurateur qui n'a pas changé ses prix gagne mécaniquement 2,24€ de plus, soit une hausse de 13% de son chiffre d'affaires. En supposant qu'il ne change rien dans ses habitudes, et qu'il faisait déjà un léger bénéfice, cette somme va les faire grossir. À l'arrivée, ils seront imposés à hauteur de 15% (bénéfices < 38120€) ou de 33%. 1/3 de 2,24€, cela fait 0,75€ de plus qui reviennent dans les caisses de l'État, soit 1,79€ en tout au lieu de 3,28€ (en supposant qu'il ne se verse pas un dividende ou un salaire en plus, qui seraient taxés aussi).
Le gain supplémentaire de +13% passe à 11% dès que l'entreprise est bénéficiaire (taux IS à 15%). Bien sur, tous ces calculs supposent que le CA brut (prix HT+TVA) reste constant. Mais honnêtement, iriez-vous dépenser votre argent régulièrement chez un connard, un profiteur, qui, en ces temps de crise, exploite cette nouvelle loi pour s'enrichir aux dépens de ses clients? Si le CA baisse, sans que le reste change, malgré la fiscalité plus intéressante, le résultat risque aussi d'être revu à la baisse. Lorsqu'une adresse marche moins bien, la baisse est rarement autour de -10%, mais souvent nettement au dessus (en valeur absolue) de 20-30% voire plus. La mesquinerie consistant à gagner un peu plus sans rien faire de plus serait vite punie.
À part les adresses " one-shot " , tellement touristiques qu'elles jouissent d'une rente de situation, avec des clients de passage (touristes, voyageurs) avec peu de sélectivité ou peu de choix, je ne vois pas trop pourquoi la fréquentation ne baisserait pas.
Équilibrer les nouvelles recettes en créant de nouvelles dépenses
En suposant que la baisse de la TVA n'est pas répercutée pour le consommateur, il faudra montrer à ce dernier et le convaincre que le maintien des prix est justifié et raisonné. Pour cela, et pour que l'argent ne retombe pas " directement " dans les caisses de l'Etat (IS, dividendes IR et autres charges sur le salaire que voudrait se verser le patron de restaurant)), le restaurateur qui ne baisse pas ses prix aura intérêt à augmenter ses dépenses : embauches, amélioration de la qualité (donc du rapport qualité prix, puisque le prix ne bouge pas), aménagement des salles, travaux...
Dans tous les cas, ces dépenses bénéficieront à d'autres acteurs de la société et de l'économie. Même si le client continue à payer l'ancien prix, il y a quand même un sens et une utilité. Et puis, si la vie n'est pas trop mal faite, ces nouvelles dépenses (à bon escient) seront récompensées et permettront d'augmenter l'addition moyenne HT et/ou le nombre de couverts servis. Il faudra que la différence soit nette. Sinon, la sanction risque d'être la même que pour les saligauds qui n'ont rien fait de plus, sans s'aligner sur la baisse : fréquentation en chute, baisse du CA, du résultat...
La baisse comme moindre mal?
Le maintien des prix TTC au même niveau qu'avant peut être risqué. Cette approche peut être tentée par les établissements de moyen+haut de gamme, où le prix n'est pas le premier critère de choix. Ailleurs (mais rien n'empêche les adresses de standing de faire également un geste), la solution sera surement la baisse. Baisse totale? Je n'y crois pas trop, notamment avec les arrondis.
Pendant très longtemps, trop longtemps, la restauration rapide s'est sucrée sur le dos des clients qui emportaient leurs repas (TVA à 5,5%) mais qui payaient très souvent le même prix que s'ils avaient mangé sur place et payé 19,6% de TVA. S'ils ne baissent pas leurs prix, ils vont surement perdre des clients, qui ne comprendraient pas, surtout els clients de la vente à emporter, qui étaient déjà des vaches à lait. Baisse potentielle des clients, mais augmentation du CA HT (en supposant que les clients sur place restent voire augmentent)? Oui, mais c'est délicat, car en général, sauf dans les chaines de fast food, il n'y a pas beaucoup de place pour manger sur place, la marge d'augmentation de la fréquentation en " sur place " n'est pas très grande.
Jouer le jeu en baissant les prix, mais en profitant des arrondis, permettra aux adresses de restauration facile/rapide d'améliorer légèrement leur situation. Cela attirera peut être plus de monde...
Ne pas subir
Si le marché était vraiment efficient, les consommateurs adapteraient les attentes pour répercuter la baisse de TVA et cela ne changerait pas grand chose (un peu comme quand il y a un ajustement de prix sur un cours de bourse). Hélas, c'est un marché hautement déficient, le consommateur est souvent un veau (par paresse, parce qu'il n'a pas le choix, par bêtise). Et certains restaurateurs en profitent, ou le prennent pour un gogo. Je blacklisterai les adresses qui n'ont pas fait d'effort ou qui n'ont fait que de la cosmétique. Même si ce sont des adresses que j'appréciais particulièrement par ailleurs et auparavant.