Un chef de chorale assassiné, le tympan éclaté, dans une église arménienne. Puis, d'autres meurtres dans la foulée, tous liés les uns aux autres selon des mises en scènes macabres. Lionel Kasdan, un policier à la retraite et Cédric Volokine, un inspecteur en cure de désintoxication, sont invités presque malgré eux à faire cause commune dans cette enquête dont les premiers éléments laissent penser que des enfants seraient à l'origine des meurtres.
Y'a pas à tortiller. Maintenant, chaque fois que Jean-Christophe Grangé sort un bouquin, il est plus ou moins attendu au tournant. Son dernier sera-t-il à la hauteur des précédents ? Ou bien à la hauteur de celui qui, à nos yeux, tient le haut du pavé ? Pour certains la référence sera Le Vol des cigognes , pour d'autres La Ligne noire... Pour avoir un aperçu de ce phénomène, il suffit d'aller voir les discussions sur le forum dédié à l'auteur en particulier, et au roman policier en général, pour se faire une idée du phénomène.
Sans me considérer comme un fan de Grangé, j'ai régulièrement pris du plaisir à lire certains de ses livres, la plupart du temps pendant les vacances. Allez, balançons les mots, hein, après tout, quitte à me faire des ennemis, tout ça n'est ni plus ni moins que de la très bonne littérature de plage, bien faite, travaillée, efficace, avec ce qu'il faut de dépaysements, de rebondissements, et de noirceur aussi. Avec toutefois un petit bémol pour les fins, lesquelles sont parfois un peut tirées par les cheveux, voire complètement ridicules (mais je suis mauvais en disant cela car mes propos concernent exclusivement Le Concile de pierre où le dénouement m'a fait remettre en question l'intérêt que j'avais pu porter jusque là à l'histoire...). A mettre au crédit de Grangé, il n'était jusqu'à présent jamais tombé dans les travers de clôture des thrillers : scène d'action à rallonge amenant au dénouement de l'histoire, explication parce qu'il le faut bien quitte à donner des détails que l'on ne s'enquiquinerait pas à donner dans la réalité, et rapatoum, re-scène d'action à rerallonge, coups de poings, pieds, tirs échangés, mort ou capture du méchant mais attention, en fonction du choix adopté, il pourrait s'en tirer pour un tome à venir, épilogue, ouf !
Alors pour ceux que ça intéresserait et pour me prêter moi-même à ce jeu inévitable des comparaisons, Miserere n'est pas à la hauteur de La Ligne noire ou du Serment des limbes. Il y a malheureusement des défauts redondants et parfois irritants qui viennent à l'occasion plomber l'ambiance. Grangé l'a prouvé, il sait écrire ses histoires, mais ici, il a semble-t-il cédé à la facilité : en poussant le trait sur certaines descriptions, en lardant son récit d'éléments trop gros pour être crédibles (en ce qui concerne le passé du jeune inspecteur Volokine par exemple), et en usant de ficelles qu'il a déjà eu l'occasion d'utiliser. Sans parler du fait qu'on a parfois l'impression d'avoir ouvert le dictionnaire des acronymes des services de police française et que chaque arme au bout du bras des personnages se voient l'objet d'une description de leurs caractéristiques techniques. Bon, ça remplit mais on s'en fout. Comme on se fout aussi du bavardage d'un ancien général sur son élevage dont on imagine mal des inspecteurs écouter la teneur quand on connaît leurs préoccupations du moment.
Et pourtant, malgré tout cela, ça fonctionne. Bien, même. Eh oui, Grangé a la faculté de faire avaler quelques couleuvres grâce à l'ambiance qu'il installe d'emblée et au mystère planant,que l'on se complait à pénétrer, en redoutant le point culminant à venir.
Une fois l'écoute terminée, les derniers mots résonnant à mes oreilles, j'ai pensé que Grangé se foutait de moi mais, à la réflexion, la fin est plutôt intéressante. Elle n'est pas conventionnelle – bon cette fois-ci, on a quand même la scène d'action / explication / action / ah bon ? c'est possible une telle pirouette et… la fin – mais si la démarche peut désarçonner, il n'empêche qu'elle se justifie pleinement. Grangé termine son roman sur une note qui reste en suspens, et pour un livre dont la musique et la voix sont au centre de tout, je trouve ça vraiment pas mal du tout.
La tension qui habite cet ouvrage est en tout cas renforcée par la voix grave et caverneuse de Jacques Chaussepied, avec laquelle je me suis familiarisée, quand elle fredonnait des mots d'angoisse et se faisait l'intermédiaire d'événements effroyables, ou quand elle m'a surpris en citant mon prénom accroché à mon nom de famille au détour d'un chapitre (anecdote peut-être mais surprise de taille pour le super-héros que je suis, persuadé alors d'avoir été percé à jour dans un moment de faiblesse).
A force d'écouter des livres lus, je me rends compte qu'il m'est difficile de mesurer l'impact de la voix sur la perception de l'oeuvre elle-même. Mon impression aurait-elle été la même si j'avais lu Miserere de mes propres yeux ? A voir, mais l'accès de plus en plus étendu des oeuvres littéraires sous ce format vaut vraiment le détour. Voyez, je vais même m'inscrire à une formation sur les textes lus pour les super-héros, dans le but d'améliorer mon pouvoir auditif, pas toujours très au point...
Miserere / Jean-Christophe Grangé, texte lu par Jacques Chaussepied, Audiolib, 2 CD mp3, 17 h 30 min.