Les mondes virtuels et particulièrement « Second Life » font débat en France et dans le monde anglo-saxon. Après avoir fait l’objet de toutes les attentions, la crise aidant, le monde de la communication a semblé laisser de côté l’univers virtuel crée par Linden Lab pour revenir à des supports de communication plus dans le vent, ou dans le sens du buzz.
Là est d’ailleurs peut-être une des clés de l’analyse de la situation actuelle connue par le métavers en France. En effet, en cantonnant les univers virtuels au rôle de « supports de communication » ou de « chambres d’écho » marketing, on en a sans doute oublié l’essentiel : sous le clavier se cache bien un nouveau monde !
Voilà pourquoi, depuis quelques mois, on assiste à une reconquête du métavers autant par des communautés passionnées que par le monde de l’éducation et de la recherche.
Une croissance en devenir
La transparence exige d’abord de préciser que Second Life n’a pas fini sa croissance. Autant sur le plan technologique que stratégique, l’entreprise de San Francisco se doit donc de faire évoluer son graphisme mais aussi de simplifier son mode d’exploration, comme l’accès à sa plateforme.
Là, les travaux lancés par Philip Rosedale portant sur un nouveau viewer, mais surtout l’appel à des compétences internes autant qu’externes, laissent imaginer de fortes améliorations. Côté ouverture, il faudra alors imaginer autant un mode d’accès simple mais fortement sécurisé qu’un développement potentiel vers le monde des Opensims, du Libre en quelque sorte…
Mais au-delà de cette révolution culturelle, les mondes virtuels dont Second Life, mais surtout leurs utilisateurs – qui en sont les principaux acteurs et utilisateurs, se doivent de raisonner désormais en termes d’usage. On notera que lorsque ce fut fait, le succès fut, notamment pour des espaces ludiques, au rendez-vous. Les communautés de « role-playing » et passionnés de reconstitutions historiques ont ainsi depuis longtemps trouvé leur bonheur dans le métavers.
Vers le v-learning ?
Développer les usages, le monde anglo-saxon semble avoir largement compris l’importance du défi à relever. Les implantations d’universités, de campus, mais aussi de cours se multiplient.
Leaders dans leur domaine, le département de Chirurgie Dentaire de l’Université du Maryland et l’Université Case Western ont ainsi choisi de faire de Second Life, un espace d’entrainement lié aux bonnes pratiques d’hygiène dentaire. Cet exemple parmi d’autres vient conforter les expériences de v-learning développées par IBM. Ainsi l’entreprise a-t-elle, en liaison avec Linden Lab, publié une étude de cas pourtant sur le retour sur investissement réalisé lors d’un meeting annuel de l’Académie de Technologie du groupe rassemblant 200 participants.
Un retour estimé à 320 k$ pour un investissement de 80 k$, sur la base des économies réalisés en frais de transport et logement, mais aussi sur les gains de productivité (les salariés pouvant continuer à travailler lorsqu’ils n’étaient pas in-world). Surfant sur cette vague, des entreprises américaines développent désormais des îles consacrées à l’organisation « clé en main » de séminaires de team-building, travail collaboratif ou formations.
Gaming or not gaming ?
Le développement de Second Life se poursuit donc, où plutôt s’agit-il sa croissance ! Ainsi même sur le plan sémantique, si Linden Lab a longtemps tenté d’expliquer que « Second Life » n’était pas qu’un « jeu », l’explosion des « serious gaming » pourrait également relancer l’intérêt du monde de l’entreprise pour le métavers. En effet, où donc organiser plus facilement des séances de « jeux de rôle » orientées RH, Marketing ou Vente que dans des univers dédiés à cela ?
Où donc apprendre plus facilement une langue étrangère que confronté, dans un monde virtuel à des « native speakers » évoluant dans une rue reconstituée de Dublin, de Madrid ou d’ailleurs ?
Profitant du développement qualitatif du son et de la voix, de nombreuses institutions et écoles ont déjà compris cela.
Des données à prendre en considération
Au-delà des quelques faits évoqués ici et figés dans le temps, de récentes données chiffrées viennent à minima relancer l’intérêt à porter sur les mondes virtuels. On en retiendra trois.
15 milliards de minutes : C’est le chiffre de minutes de services vocaux consommées dans Second Life durant les douze derniers mois, soulignant ainsi l’adoption rapide de la VoIP par les usagers. A titre comparatif, il a fallu 5 années à Skype pour attendre les 100 milliards de minutes.
L’institut Nielsen vient de publier une étude faisant de Second Life le second jeu installé sur PC aux USA. Lorsque l’on sait que les tendances américaines finissent généralement par toucher l’Europe, on se doit d’en tenir compte.
54 % : C’est selon l’étude « Real Kids in Virtual Word » réalisée par E-marketer, le pourcentage d’enfants (de 3 à 11 ans) américains qui se tourneront d’ici 2013 vers les mondes virtuels alors que le nombre d’adolescents poursuit lui-aussi une croissance régulière.
Alors bien sûr, il ne s’agit là que de quelques données, néanmoins, tout observateur des évolutions technologiques et des usages se doit de les prendre en considération avant de suivre les tendances qui pourraient se dessiner. Quelques mois avant l’explosion du web, certains ne se moquaient-ils pas des « jeux » inventés par quelques chercheurs californiens ? Quoique l’on en pense, les mondes virtuels et les espaces de dématérialisation ont un avenir. Il s’écrit au jour le jour.
Le 18 mai dernier, Second Life plaçait son 6ème anniversaire sous le signe d’un futur, plus que jamais à imaginer. Voici donc clairement de nouvelles frontières à dépasser surtout à l’heure où l’on évoque la relance économique par le web 2.0, ses réseaux sociaux et ses applications.
Stéphane Bourhis est consultant en communication. Après quelques années d’implication au sein de collectivités locales, il a choisi de créer sa propre structure. A la tête de Red-Act, il développe des solutions de contenus rédactionnels sur mesure et mène une veille sur le développement des outils et supports de communication 2.0 (Facebook, Twitter, Réseaux sociaux). Il découvre Second Life en 2006/2007 et y encadre depuis une présence régionale à vocation informative, culturelle et touristique. Son blog : www.redact.fr