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Gran Torino de Clint Eastwood

Publié le 01 juillet 2009 par Vincemobile

gran_torino

Ça fait longtemps que j'ai envie d'écrire ce post. Mais j'avoue avoir eu un peu de mal à me lancer. Parler d'un film comme Gran Torino n'est pas tâche aisée. Surtout quand on sait que ce film est le premier à avoir réussi à me faire pleurer depuis... au moins 15 ans (le dernier je m'en souviens c'était Heureux qui comme Ulysse avec Fernandel, un très joli film d'ailleurs).

D'autant que sur ce film, on entend un peu tout et n'importe quoi. Des abrutis qui hurlent au racisme, des imbéciles qui se lancent en commentaires laudateurs sur le génie de Eastwood sans être capable d'avancer le moindre argument tangible.

Avec ce film, on est à la fois en terrain connu et totalement pris de cours. Terrain connu car Eastwood reprend son personnage de "Dirty Harry" violent, teigneux et mysanthrope. Surpris par l'incroyable talent comique de Clint, souvent hilarant en vieillard borné découvrant une culture asiatique inconnue. Etonné par les dialogues, percutants, pas politiquement corrects pour un sou avec à la clé des scènes cultes (l'initiation au parler macho chez le coiffeur, Clint découvrant la cuisine asiatique...).

On se retrouve donc avec un mélange détonnant de Série B des 70's, de mélo, de western et de comédie débridée. Et franchement, on accroche tout le long, Clint sachant filmer de manière nerveuse et fluide. Il n'y a pas de longueurs, pas de scènes en trop. C'est efficace comme un 347 Magnum.

Mais ce film, sûrement son dernier en tant qu'acteur (mais qui d'autre aurait pu jouer ce rôle ?) est surtout un film manifeste. Presque un film de propagande sur le thême "ce que je crois". Alors, oui Clint est un conservateur, un pessimiste mais c'est un vieil homme qui nous offre un regard au scalpel sur la société. J'ai souvent pensé à Philippe Murray. Qu'est-ce que Clint veut nous dire ?
1) La fin de l'homme (en tant qu'être viril) analysée, moquée, disséquée dans une multitudes de scènes (voir la scène hilarante du petit blanc essayant de faire amis, amis avec les mecs du ghetto). Le vieux Clint appartient à cette espèce en voie de disparition parce que c'est un homme un vrai avec son pesant de convictions, de courage et son verbe accéré. Un vieux type qui défie les jeunes cons dont tout le monde a peur. Un homme qui transmet ensuite des valeurs : honneur, courage, effort
2) La force de la transmission, son rôle essentiel. Transmettre, non pas par l'éducation, le cul vissé sur une chaise ou par les media mais par l'exemple. Être exemplaire, donner un coup de pouce en aidant à faire au lieu de faire (tout le parcours initiatique du jeune asiatique cornaqué par le vieux Clint de parle que de ça).
3) L'importance du travail, de l'effort et en particulier du travail manuel. Le personnage incarné par Clint est un ancien ouvrier de Ford, un manuel dont les amis sont des ouvriers ou des petits patrons. Ce ne sont pas des courtiers, des boursicoteurs. Ils sont dans la vraie vie. Comment ne pas voir une critique en règles de l'économie en apesanteur, immatérielle pronée par les rois de Wall Street ?
4) Le sacrifice pour quelque chose de plus fort, de plus grand. Et pour in fine protéger ses proches.
5) Une ode au Melting Pot, aux communautés qui se mêlent pour construire l'Amérique. Comment ne pas voir dans ce film la transmission des valeurs de l'Amérique (pas celles des néo-conservateurs) entre un vieil Américain pur jus et un jeune asiatique ? Comment ne pas voir une vraie admiration pour ceux qui repartent de zéro aux Etats-Unis et qui construisent quelque chose à force d'effort ? Ce film qui met, ce n'est pas un hasard, en scène des ghettos ethniques (asiatiques contre latinos ou noirs) est aussi un manifeste anti-communautariste. On peut à la fois être attaché aux traditions tout en s'intégrant (voir les personnages incarnés par les jeunes voisins asiatiques de Clint).

Ce film est au final bouleversant d'humanité, de pudeur et transmet un message, un vrai. C'est presque un cri pour nous faire comprendre que nous allons dans le mur, vers un monde désincarné, un monde sans hommes, sans transmission, sans aucune place pour ceux qui travaillent de leurs mains. J'ai vu la figure de nos grands-parents et leur regard désolé sur le simulacre qu'est devenu le monde. Et oui, j'avoue, j'ai pleuré.

Un film coup de poing, avec des niveaux de lecture multiples. Un chef d'oeuvre à découvrir au plus vite !


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