C‘est un long cheminement qui peut durer des années. Ce fût son cas. Ce cheminement a été son refuge paradoxal. Un refuge dont la particularité est d’éloigner toute réalité. Car il faut nier la réalité. Nier le fait de respirer. Nier le fait de regarder. Les yeux ne voient plus, ne regardent plus.
Les yeux se préparent au départ en s’éloignant de ceux qui pourraient les réveiller à la vie.
La décision se prend sereinement. Calmement. Cette décision amène avec elle une sorte de torpeur bienveillante.
Le mal semble vaincu. Il ne pourra rien faire contre le destin.
Les gestes sont précis. Nouveaux. Comme les premiers gestes de l’homme qui vient de naître. Point de tremblement.
Il faut se préparer. Le moment est venu. Ne rien oublier. Partir en paix.
La douleur des autres effleure à peine l’esprit de celui qui n’a plus la force de lutter. Il laisse tout de même quelques traces, quelques lignes sur une feuille blanche bien en évidence.
Il lui faut s’habiller. Faire encore ce petit effort de réflexion.
Il lui faut décider de l’endroit. Du moment. De l’heure.
Depuis longtemps, il sait comment.
C‘est une longue préparation, car les options sont multiples.
Pas de souffrance. Cela suffit.
Non, un départ calme et rapide.
Quand le moment arrive, quand la minute arrive, quand la seconde arrive, il lève une dernière fois des yeux qui déjà sont éteints.
Et puis, plus rien.
Quatre personnes d’une même famille se sont pendues en même temps, ensemble.
Quatre drames de la solitude de notre monde.
Quatre personnes victimes du non-regard. De la non-écoute.
Quatre personnes victimes du moi-d’abord.
Quatre personnes victimes du moi-aussi-j’ai-des-problèmes-j’en-fait-pas-une-maladie.