Depuis que Frank Zampino, l’ex-président du comité exécutif de la ville de Montréal, a quitté son poste, plusieurs révélations sérieuses sur ses décisions du temps de son mandat, particulièrement en rapport avec l’octroi de contrats forts importants, font en sorte que les Montréalais et Montréalaises découvrent brusquement que les décisions de Zampino peuvent avoir été colorées de favoritisme.
La ville de Montréal a octroyé récemment le plus gros contrat de son histoire pour l’installation et l’entretien de compteurs d’eau dans les secteurs industriel, commercial et institutionnel ainsi la réalisation de nombreuses chambres de contrôle sur le réseau de distribution. La firme Pricewaterhouse, une des plus compétentes firmes mondiales en administration des affaires, dans son rapport à la ville pour l’établissement d’une stratégie financière de l’eau à Montréal en 2003 avait établi à 200 millions de $ le coût total du projet. Le contrat octroyé pour la réalisation de ce projet et signé en février 2008 avec la firme GénieEAU a été accordé pour un montant de 355 millions de $. Un dépassement de 77,5%. Face à ces chiffres surprenants, les experts sont perplexes et se grattent la tête !
GénieEAU est un groupe créé pour ce projet par DESSAU, une firme d’ingénieurs conseils de Laval reconnue à l’international, et la compagnie Simard-Beaudry Inc. spécialisée dans la construction de routes et de travaux publics. J’ai été pendant deux ans administrateur de cette dernière compagnie créée par les frères Simard d’Abitibi et je connais bien ses capacités et sa feuille de route. Depuis 1999, la compagnie appartient à Tony Accurso, ami de Frank Zampino.
Le seul autre groupe qui a présenté une soumission pour cet important projet est celui de Génie-Conseil SM et de la compagnie de l’entrepreneur en construction générale Frank Catania, aussi ami de Frank Zampino.
Un autre groupe avait été qualifié pour présenter une offre à la ville. C’était celui de SNC-LAVALIN, firme de Montréal parmi les plus importantes de génie conseil au monde et de la compagnie Gaz-Métro qui distribue le gaz naturel au Québec. À la surprise de tous, ce groupe fort important s’est désisté à la dernière minute et n’a pas présenté de soumission. Cela m’a surpris puisque ce gros contrat était dans la cour de SNC-LAVALIN alors que cette firme se bat constamment comme un déchaîné pour obtenir des contrats dans le monde entier. On peut se poser la question : pourquoi SNC-LAVALIN et Gaz Métro ont-ils finalement décidé de ne pas présenter de soumission ?
Pour un autre important projet, Faubourg Contrecoeur, dans l’est de Montréal, c’est l’entreprise de Frank Catania qui a obtenu le contrat du comité exécutif de la ville de Montréal pour la réalisation complète. Depuis, Catania a acheté le terrain d’une société municipale de la ville à un prix dérisoire, par rapport aux estimés des évaluateurs de la ville, et réalise cet important projet d’habitations. Par hasard, l’autre proposant pour cette demande de soumission, et qui n’a pas été retenue pour le contrat, était la compagnie de Tony Accurso.
Accurso et Catania se partageaint un grand nombre de contrats à la ville de Montréal du temps de la présidence du comité exécutif de Frank Zamino. Depuis, ce dernier a démissionné et à peine quelques mois après son départ, est devenu le no. 2 de la firme DESSAU à un salaire qualifié de fort exorbitant par les dirigeants d’autres bureaux de génie-conseil. De plus, l’ingénieur de la ville responsable du dossier des compteurs d’eau a démissionné et est passé, quelques semaines plus tard, au service de Simard-Beaudry. Un troisième fonctionnaire, aussi impliqué dans ce contrat pour la ville, vient de faire de même et est passé chez DESSAU. La ville perd ainsi ses meilleurs experts dans le domaine de l’eau.
Hier, le journal La Presse a confirmé que Tony Accurso, propriétaire d’un yacht de 36 mètres a invité Frank Zampino à deux croisières dans les Îles Vierges en pleine période de soumissions du projet et avant que le contrat soit octroyé. Zampino a accepté chaque fois.
Durant ma longue carrière d’ingénieur-conseil, j’ai appris à reconnaître que les entreprises italiennes montréalaises dans la construction sont forts compétentes et cela dans toutes les spécialités. Je ne dis pas que les entreprises de Catania et d’Accurso ne le sont pas, au contraire je crois qu’ils ont l’expertise et l’organisation pour mener à bien les contrats qu’ils ont obtenus. La question n’est pas là. La ville a-t-elle usé de favoritisme?
Le maire de Montréal, membre du comité exécutif, qui a nommé Zampino à son poste de président de l’exécutif et qui participé à toutes les discussions et les décisions en rapport avec le projet des compteurs d’eau et du Faubourg Contrecoeur, affirme ne pas être au courant de toutes les révélations journalistiques. Il cherche à nous faire croire, par ses déclarations, qu’il s’est fait avoir. C’est difficile à croire !
Les prochaines élections de Montréal seront en novembre prochain. Il est important que la lumière soit faite sur les faits qui sont soulignés dans les journaux. Je ne crois pas qu’une enquête publique soit de mise en ce moment-ci, mais je pense que le ministère des Affaires Municipales du gouvernement du Québec, doit mandater un comité composé de trois personnes compétentes et indépendantes pour analyser les faits qui sont révélés, poser les questions, vérifier les dossiers et faire rapport à la population de leurs constatations et de leur analyse. Si tout à été fait selon les règles de l’art, tant mieux.
Mais si le favoritisme existe ou a existé à la ville de Montréal, il faut le savoir car il résulte dans des injustices et des frais exorbitants pour les contribuables montréalais.
Claude Dupras