Le président Nicolas Sarkozy souffre d’un manque de popularité en France. Deux ans après son élection à l'Elysée, plus de six Français sur dix jugent son bilan négatif et décevant. Le sondage TNS Sofres/Logica publié pour Metro lundi dernier, précise que 63% des personnes interrogées estiment que le bilan du chef de l'État est "plutôt négatif" et 65% d'entre eux se déclarent déçus. Ils sont 28% à trouver son bilan positif, 9% ne se prononcent pas et 24% à se déclarer satisfaits.
Ce haut taux de mécontentement m’étonne, même si les Français aiment à répéter que « la France est ingouvernable » et que la crise économique les affecte profondément (le chômage dépassera bientôt les 10%). Je me rappelle du temps de l’ex-PM Lionel Jospin, au moment où le pays était en pleine prospérité et générait des surplus importants, que les Français manifestaient, quand même, dans les rues pour avoir, disaient-ils, leur part du gâteau. Ce n’est pas facile de gouverner en France.
Un ami de longue date, Richard LeHir, ex-ministre PQ du gouvernement du Québec, né en France et qui suit de près ce qui se passe là-bas, m’a écrit un commentaire suite à mon blog « Sarkozy, la cible ». Il décrit une image de Sarkozy totalement différente de celle que je vois et malgré que je ne sois pas du tout en accord avec son argumentation (voir les archives de mes blogs), j’ai pensé la soumettre à mes lecteurs pour qu’ils jugent de la justesse de ses interprétations :
Bonjour Claude,
Tu m'as demandé de te faire par écrit ma critique de Sarkozy. Comme je te l'ai dit, je n'apprécie ni le personnage, ni sa politique, et je crois qu'il est un mauvais président pour la France.
Pour ce qui est du personnage, c'est un ambitieux à fortes tendances narcissiques qui est obsédé par le besoin de paraître, et même de "flasher". Les médias français lui ont attribué le surnom de président "bling-bling". Il manque de classe. Tu te souviendras de cet incident survenu dans les semaines qui ont suivi son élection lorsqu'il avait rencontré Poutine. À l'issue d'un dîner particulièrement bien arrosé, il était sorti rencontrer la presse, et complètement ivre, il avait répondu aux questions des journalistes. Le spectacle était lamentable, et porté par YouTube, il a fait le tour de la terre en 24 hrs. On peut aussi trouver sur YouTube cet incident où lors d'une visite au Salon de l'Agriculture, à un visiteur qui refusait de lui serrer la main, il avait déclaré "Casse-toi, pauv'con". Cette réponse démontre non pas tant un mépris total pour la personne visée qu'une incompréhension des exigences de sa fonction. Ce n'est pas le genre de comportement que les Français attendent de leur Président.
Enfin, On se surprend à avoir à évoquer la vie privée du Président qui, pourtant, devrait relever justement du domaine privé. S'il faut le faire, c'est que Sarkozy lui-même en fait un étalage grossier, comme si son statut de Président lui conférait ipso facto un statut de vedette de cinéma. Il y a pourtant une différence. Sarkozy n'est pas Prince de Monaco. Il est Président de la France, et il prend la succession de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, et Jacques Chirac. Quels qu'aient pu être les défauts des uns et des autres, jamais ont-ils projeté une image qui portait ombrage à celle de la France.
La personnalité de Sarkozy se reflète également dans sa politique. Il est constamment à l'affut d'un "coup" dont il sera la vedette. Son cabinet a été choisi davantage pour épater la galerie que par souci d'efficacité. Plusieurs personnes en font partie pour jeter de la poudre aux yeux à certaines clientèles (Dati, Yadé, Kouchner, etc.). C'est bien beau de vouloir marquer une rupture, mais encore faut-il avoir quelque chose de solide à proposer. Après deux ans, on cherche encore quelque chose qui ressemblerait à un fil conducteur. Après quelques discours ronflants sur la crise qui allait amener à une refonte du capitalisme, on reste en attente de ce qu'il propose à la place.
Sur le plan de la politique internationale, il se targue d'avoir effectué un rapprochement avec les États-Unis. Mais on doit sérieusement s'interroger sur son sens du timing. Il aurait été beaucoup plus habile d'attendre le départ de Bush. Et il aurait été beaucoup plus utile de travailler à l'élaboration d'une politique européenne de défense commune plutôt que de s'abriter sous le parapluie d'une Otan dont la vocation originale n'a plus sa raison d'être, et qui se survit en tentant de s'en donner une nouvelle au coup par coup, de plus en plus à l'Est, sans qu'on sache trop pourquoi en fonction des intérêts européens, ni comment, parce qu'on n'est pas prêt à y mettre les moyens, ni surtout jusqu'où on est prêt à aller et comment on pourra s'en sortir. Les efforts de Sarkozy de faire avancer le projet de constitution européenne ont foiré. Il n'a pas compris que ce n'est pas une question de personnalités, mais une question de fond. Tant et aussi longtemps que les pays qui composent l'Europe ne seront pas prêts à renoncer aux composantes identitaires qu'ils expriment dans leur souveraineté, l'Europe ne pourra pas être autre chose qu'un marché commun. Et même la question du marché commun se pose de nouveau dans le contexte de la crise actuelle. À quoi sert un marché commun quand on ne peut plus consommer ou quand, par nécessité, il faut consommer moins et mieux.
Que Sarkozy ait remporté un succès d'estime pendant les six mois où la France était à la tête de la Communauté Européenne n'a aucune espèce d'utilité ou d'importance car son tour ne reviendra que dans quelques années, et il ne sera probablement même plus président.
Le seul bon point que je suis disposé à reconnaître à Sarkozy est sa gestion de la crise en Géorgie. Et encore, on peut se demander si la place qui lui a été laissée pour s'illustrer n'était pas essentiellement due au fait qu'elle est survenue en pleine campagne électorale américaine, ou pire, parce que les États-Unis, déjà engagés dans deux guerres, et en redoutant deux autres (Iran et Pakistan), ne se sentaient plus capables d'opérer sur autant de fronts à la fois (avec la crise économique, c'est encore plus susceptible d'être le cas maintenant).
Richard
Parmi les derniers présidents de la République, seul Jacques Chirac avait davantage mécontenté les Français, 24 mois après le début de son premier mandat, avec 65% d'insatisfaits en 1997. Pourtant il a été réélu et est demeuré président de la France, encore 10 ans.
Claude Dupras