Nous tous, écrivains ou écrivants, avons eu un jour recours à un personnage “lawfull / good”. D’un côté, c’est bien pratique : le Bien Vs le Mal et notre perso qui détecte le second sans quitter d’un poil le lumineux chemin du premier. Seulement voilà : quand on est un jeune écrivant ou novice roliste, on se contente de quelques traits de caractères un peu facile. Genre défenseur de la veuve et de l’orphelin, galanterie discrète, charité, sincérité, promesse tenue etc etc… C’est un peu simple n’est-ce pas ? Et le revers de la médaille dans tout cela ?
Et bien, c’est ce côté sombre de la vie d’un guerrier bien sous tout rapport qui m’intéressait.
Pour un de mes projets en cours, dans le genre Med-Fan (je laisse de côté tout projet de SF en dehors du T2 de heat27), l’un des personnages est un vieux soldat brisé. Brisé car il appartenait à la garde dissoute d’un roi qui s’est enfui, dans un royaume envahi par tous ses états frontaliers. Ce vétéran devait trainer son mal-être, se joindre à une quête où il pourrait prouver son honneur et trouver une mort digne. Rien que ça… Mais comment bien décrire tout ce qui a fait de lui un être dévoué à son maître, au champ de bataille et à la notion d’Honneur ? Un soldat courageux, bien entrainé et érudit ? Quelqu’un finalement de complètement démuni de tout repère dans un monde où les vertus foutent le camp, où les coups bas pleuvent, où la parole donnée n’a pas plus de valeurs que ses premières braies ?
Code d'honneur du bushido
J’ai trouvé par le plus pur des hasards ce livre de Thomas Cleary. Cet homme est un docteur en civilisation extrême-orientale réputé et enseignant à Harvard. Il a traduit plusieurs classique dans le genre essai sur le Japon. Ici, avec “code d’honneur du samouraï”, il a traduit un manuel datant du 17ième siècle qui était destiné aux guerriers novices pour qu’ils ne perdent pas de vue, en temps de pix, ce que la rigueur de leur caste leur imposait.
Certes, il ne s’agit pas de la totalité du Bushido (la voie du guerrier) mais d’un genre de résumé, de compilation des obligations morales des samouraïs. Tout y passe : l’éducation, la piété filiale, les règles de combat (bien sûr, mais renvoyant à d’autres références), la bravoure, la politesse, la discrétion etc etc. Ce livre est construit en trois parties : dans chacune d’elles, des chapitres courts présentant une valeur ou un comportement. L’auteur de l’époque, Taïra Shigésuké, s’attache la plupart du temps à donner des exemples concrets. Au hasard : dans la partie “bâtir sa maison”, il explique pourquoi les samouraïs ne devaient pas chercher à se construire des petits palais mais au contraire à faire des “cabanes” utiles. Les intérêts de cette lecture sont nombreux. Déjà d’un point de vue personnel : très attiré par le Japon et son histoire, ce manuel apporte un éclairage nouveau sur ce qu’à pu coûter au Japon moderne leur longue période autarcique et comment ces règles très strictes peuvent toujours expliquer les comportement “jusque boutistes” des travailleurs japonais.
En terme de création de personnage à présent. Certains des passages montrent clairement à quel point les guerriers, même en temps de paix, devaient vivre avec l’idée de la mort, à quel point ils devaient être tout le temps exempt de tout reproche. Ils devaient aussi mettre de côté leur personnalité au profit de leur suzerain, accepter les plus petites des tâches comme un sacerdoce (d’où le lien avec les moines). Les samouraïs devaient se tenir aussi éloignés que possible de l’aristocratie où leurs vies dissolues auraient fait des guerriers des “loques”.
Toutes ces règles et descriptions vont me permettre de construire un personnage “honnête” mais prisonnier de décennies d’une forme de servilité. Tout cela en ayant bien à l’esprit ce qu’il y a gagné (une éducation, une maîtrise des arts martiaux et des stratégies) et ce qu’il a enduré (déférence à un maître idéalisé, discipline sans faille, respect de l’ordre et des ainés). Le fameux “revers” de la médaille dont j’avais besoin pour pouvoir le mettre en scène avec des réactions complètement décalées par rapport à ce que ces compagnons feront ou penseront.
“Code d’honneur du samouraï” n’est pas une lecture “littéraire”, point d’histoire ni de héros, mais c’est un manuel très intéressant aussi bien pour son côté “historique & histoire vraie” que pour les questions qu’il amènera un auteur à se poser vis à vis de ses persos trop irréprochables. Pour être ainsi, quel prix ont-ils eu à payer ?