Discriminations raciales... ou défaut d'intégration ?

Publié le 30 juin 2009 par Roman Bernard
Mediapart a publié hier les résultats d'une enquête du CNRS démontrant, preuves scientifiques à l'appui nous dit-on, que la police française, et en particulier parisienne, effectue des contrôles d'identité sur « profilage racial », c'est-à-dire au faciès. Conduite pendant cinq mois, dans cinq sites parisiens, cette enquête a permis d'observer 500 contrôles d'identité, dont les caractéristiques statistiques ont été comparées à celles de la population de passage dans ces cinq lieux. Le mode de comptabilisation, aléatoire, de cette dernière, semble douteux : comme l'explique le chercheur du CNRS dans la vidéo ci-dessous, les enquêteurs ont répertorié une personne toutes les cinq secondes à un endroit précis, pour finalement, obtenir la population-type de passage sur ces sites.
Il ressort de cette enquête que les « minorités visibles » sont sur-représentées dans les contrôles d'identité par rapport à la population-type, composée selon le rapport de 58 % de « Blancs », de 23 % de « Noirs » et de 11 % d'« Arabes » (terme qui, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, devrait être remplacée par « Arabo-Berbères » pour refléter plus fidèlement le type des personnes d'origine maghrébine).
Mais, ô surprise (pour les enquêteurs) ! « [L]e style vestimentaire s’est révélé déterminant. Bien que les personnes portant des vêtements aujourd’hui associés à différentes "cultures jeunes" (hip-hop, tecktonic, punk ou gothique, etc.) ne forment que 10% de la population disponible (présente sur le site), elles constituent jusqu’à 47% de ceux qui sont effectivement contrôlés. » Voilà qui tend à prouver que l'attitude compte, au final, plus que l'appartenance. Car c'est cette attitude qui détermine le plus la probabilité d'être, ou non, un délinquant.
Seulement, « l’enquête montre [...] que "deux tiers des individus habillés 'jeunes' relèvent de minorités visibles" . Autrement dit, "le style de vêtements peut être décrit comme une variable racialisée"... » Et les enquêteurs d'en conclure implicitement, et les journalistes de Mediapart à leur suite, que cette sur-représentation des « minorités visibles » est la preuve scientifique du racisme des policiers, quand bien même eux aussi appartiendraient à ces mêmes « minorités visibles », ce qui est souvent le cas (du moins si j'en juge par mon ressenti, pas moins « scientifique » que la méthode utilisée). Au lieu, tout simplement, d'en déduire que la sur-représentation des « minorités visibles » dans les « individus habillés "jeunes" » est le signe d'un défaut d'intégration de leur part, cette tenue vestimentaire étant considérée par les policiers comme devant être associée à une probabilité plus grande d'être portée par un délinquant (et on peut au moins leur donner crédit de la connaissance de ce type de phénomène : c'est leur métier).
On est quand même soulagé d'apprendre que 3 % seulement des personnes contrôlées (et interrogées ensuite par les enquêteurs) « ont jugé avoir subi un traitement raciste ou insultant ». Soit 97 % de personnes ne voyant aucun racisme à avoir été contrôlées. Cela tranche non seulement avec le message implicite de l'article de Mediapart, mais aussi avec les « témoignages » de personnalités sur la question...
Dès lors, quelles leçons tirer de cette enquête ? Selon l’Open society justice initiative, commanditaire du rapport, « "un examen approfondi des normes juridiques, des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de contrôle au faciès" . Avec une modification de l’article du code de procédure pénale (le 78.2) "afin d’interdire explicitement la discrimination raciale, de clarifier et de renforcer l’existence de 'raisons plausibles de soupçonner' comme seules justifications des contrôles d’identité". » En somme, sur la base d'une étude qui, si l'on lit bien Mediapart, ne prouve aucunement le racisme des policiers français, mais plutôt le défaut d'intégration de certains jeunes issus de l'immigration, il faudrait faire le procès de la police, plutôt que de s'interroger sur ce défaut d'intégration qu'elle met en lumière. Pas d'accord.


Roman Bernard