Il m'arrive fréquemment d'être interrogé sur cette question à l'issu d'une conférence. La remarque émane généralement d'un manager expérimenté qui travaille au quotidien avec des jeunes. L'idée exprimée est la suivante :
"Je partage le point de vue selon lequel il existe de fortes différences entre les générations (mode de pensée, rapport à l'autorité, etc.) mais n'est-ce pas aux jeunes de faire le premier pas et de s'adapter à nous ?".
Cette question, cruciale, témoigne d'une prise de conscience des différences générationnelles et de leurs implications pour l'entreprise. Elle révèle également un sentiment d'inquiétude face à l'ampleur du changement qui se profile. De fait, l'arrivée de la génération Y porte en germe la remise en cause de modes de pensée et de fonctionnement préexistants. Elle questionne un paradigme sur lequel la majeure partie du corps social s'est aligné, parfois au prix d'un long et dur apprentissage.
A la réflexion, on sent même poindre un sentiment d'injustice :
"Pourquoi devrais-je m'adapter alors qu'étant jeune, c'est moi qui avait du faire cet effort ?" peut-on lire entre les lignes. Une fois encore, l'argument est de bon sens et militerait pour que les jeunes s'alignent sur leur environnement.
Et pourtant...
D'autres arguments militent pour que les managers et les DRH soient moteurs dans ce rapprochement des générations en entreprise :
Les managers ont déjà l'habitude de manier différents styles de management
Adapter son style de management pour obtenir une meilleure performance n'a rien de révolutionnaire. Les managers expérimentés pratiquent l'exercice quotidiennement pour maximiser la performance de leur équipe. Ces derniers ont en effet conscience qu'en se montrant plus tolérant avec un tel ou plus cadrant avec un autre, ils peuvent obtenir de meilleurs résultats. Ce type d' "adaptation managériale" n'a rien de philosophique mais vise simplement l'amélioration de la performance.Partant de ce constat, on peut se demander si l'"adaptation managériale" générationnelle ne constitue pas simplement une nouvelle façon de gagner en efficacité. Une nouvelle compétence à développer en somme.
Les DRH ont un rôle important à jouer pour anticiper une évolution qui va se massifier
Avoir des managers qui savent gérer l'intergénérationel paraît aujourd'hui presque un luxe. La maîtrise de cette compétence est considérée comme un "plus" mais ne figure pas parmi les prérequis des compétences à maîtriser pour être manager.Deux éléments expliquent cet état de fait :
- le contexte économique actuel : la sous-activité actuelle des entreprises masque (temporairement) la perte de productivité liée à l'absence de coopération entre les générations.
- le contexte démographique : l'arrivée de la génération Y dans l'entreprise n'en est qu'à ses débuts. Les comportements des Y restent encore vus comme "orginaux" en comparaison d'une norme qui, elle, semble intangible.
Ces deux raisons sont fondées mais ne résistent pas à une simple projection dans le temps:
- l'arrivée d'un cycle économique de croissance mettra en lumière la perte de productivité liée à la "fragmentation générationnelle" des entreprises.
- les comportements aujourd'hui perçus comme "originaux" vont se massifier et concerneront potentiellement 40% de la population active dès 2010.
Le rôle d'anticipation des DRH est donc clé. Il leur appartient de miser aujourd'hui sur le développement d'une compétences qui n'est pas dans l'air du temps. Un peu comme dans les années soixante où quelques DRH illuminés prenaient le pari d'internationaliser leur management et de développer l'interculturel.
En conclusion, on ne peut qu'adhérer avec la recommandation faite aux DRH par Jean-Marie Peretti, Professeur à l'Essec, de chérir cette "diversité des âges" et de veiller à maintenir une équité entre les générations.