Apparue et adoptée en 2002, la première loi Loppsi prévoyait un arsenal juridique destiné à endiguer l’accroissement de la délinquance et de la criminalité. Sa première mise en application, la loi sur la sécurité intérieure, votée en 2003, concernait plus spécifiquement la criminalité “classique”. Depuis, il fallait prendre en compte la formidable montée en puissance des réseaux – et la montée, liée, de la cyberdélinquance – mais aussi les avantages d’une quasi-totale informatisation des données concernant les citoyens. La Loppsi, 2e du nom, et ses “super-fichiers” croisés ont alors été pensés.
Selon les informations obtenues par le Figaro, le fonctionnement et le champ de recoupement de Périclès, devenu récemment AJDRCDS (Application judiciaire dédiée à la révélation des crimes et délits en série), a été précisé. Seuls les magistrats et gendarmes ou policiers habilités judiciairement et formés à Périclès auront la possiblité de travailler sur la plate-forme, qui ne sera accessible que par une combinaison de code et mot de passe nominatifs. Une fois identifié, l’utilisateur pourra à loisir taper sa requête en précisant le ou les fichiers à interroger.
RECOUPEMENTS À LA CARTE
A la palette des quarante-cinq fichiers (référencés dans le nouveau rapport Bauer – décembre 2008, voir ci-dessous) d’ores et déjà disponibles au ministère de l’intérieur, tels les fichiers d’antécédents judiciaires et traitement des infractions constatées (STIC, Judex) ou bases de permis de conduire ou cartes grises, pourront s’ajouter – sur demande des enquêteurs et par réquisition accélérée – certains autres fichiers administratifs comme ceux des douanes, du fisc ou de la Sécurité sociale par exemple. A noter au passage que de 34 en 2006, ces fichiers sont passés à 45 en 2008, et seront bientôt augmentés d’une douzaine supplémentaire “en cours de préparation” selon le rapport Bauer, vraisemblablement pour 2010.
Dernière nouveauté en date, l’adjonction dans les possibilités de croisement des éléments visibles sur la Toile – dits “sources ouvertes” – que chaque internaute peut laisser – parfois sans s’en rendre compte – sur les sites de socialisation (tels Facebook ou MySpace), mais aussi pages personnelles ou blogs (accessibles par simples requêtes sur moteurs de recherche classiques comme Google). A l’image de l’expérimentation du fichier Herisson (Habile Extraction du Renseignement d’Intérêt Stratégique à partir de Sources Ouvertes Numérisées) par la Direction générale de l’armement, une masse non négligeable d’informations peut être collectée légalement par ce moteur de recherche “super-renifleur” qui dresse un portrait-robot numérique de chaque individu.
FACEBOOK ET GOOGLE EN COMPLÉMENT
Et les recoupements ne s’arrêteraient pas là. Toujours sur demande et pour les besoins de l’enquête, il sera alors possible – ce qui est déjà le cas pour certaines affaires – de demander aux opérateurs de téléphonie les numéros d’identification des portables se trouvant dans une zone précise et ayant passé une communication à un moment donné. Idem pour le GIE Cartes bancaires, qui fournirait les listes de retraits d’argent par Carte bleue dans un périmètre déterminé. Ces demandes ne sont pas nouvelles, mais la possibilité de recoupements d’identités grâce à Périclès l’est. La convergence des données augmente les chances de réussite d’une identification.
Une seule limite à tout ce futur arsenal, son utilisation qui serait limitée aux délits passibles d’au moins 5 ans d’emprisonnement, le tout afin “d’étendre l’utilisation des fichiers de police judiciaire à la lutte contre la délinquance la plus nombreuse et la plus répétée pour permettre aux officiers de police judiciaire de bénéficier des nouvelles capacités de rapprochement et de traitement de la sérialité“, comme le décrit le projet en préambule. Et déjà, ça et là, quelques initiatives tentent de résister à ce fichage massif.
Olivier Dumons
Liste des principaux fichiers nationaux de police et gendarmerie
AGADIR
AGDREF
AGRIPPA
ANACRIM
ARAMIS
BB2000
CIBLE
COG-RENS
DELPHINE
FAC
FAED
FAR
FBS
FCA
FDST
FICOBA
FICP
FIJAIS
FIP
FIT
FNAEG
FNCI
FNFM
FNI
FNPC
FNPE
FNT
FOS
FPIS
FPR
FRG
FS-PORA
FSCP
FTIVV
FTPJ
FVVS
GERFAUT
HOPSY
INSEE
JUDEX
PULS@R
RMV 2
SALVAC
SCPPB
SDRF
SIS
STIC
RAPACE