Jour J : nous avons tout le matériel; une paire de maracas, une trompette pour enfant en plastique véritable, le cd et des chaussures plates pour moi (la seule paire que j'ai !).
A notre arrivée sur les lieux du crime, nous sommes allés trouver le DJ pour lui faire part de sacrifice de notre décence dans la soirée. Selon lui, le moment idéal est entre le fromage et la pièce montée. Et comme nous sommes complètement masos, nous lui avons demandé de pouvoir répéter avant de nous ridiculiser devant tous les invités. Je crois que c'est plus l'envie de se moquer qu'autre chose qui lui a fait dire oui.
Je lui donne le CD. Et on commence. Trompette. Maracas. "Sais-tu danser la carioca... Ce n'est pas un fox trot, ni une polka..". Super, on maîtrise. Mais... Comment ça se fait que la chanson se termine aussitôt ? Nous n'en sommes qu'aux deux tiers de la chanson. Oh punaise ! J'ai enregistré la mauvaise version de la chanson. Consternation. Je m'en veux. Mais pourquoi est-ce que j'ai le QI d'un bulot ? (Et ça, c'est méchant pour les bulots !). J'essaie de regrouper les deux tiers de neurones de mon corps. "Je l'ai sur mon pc... et j'ai mon pc dans la voiture... Avec la sono, vous avez un câble pour relier au PC ?". Oufffffff ! Il en a un ! C'est homme est mon idole du jour. J'ai failli me prosterner à ses pieds. Je cours à la voiture. Je récupère au passage ma paire de chaussures plates.
Carioca. Répétition numéro 2. Etant donné que j'ai failli tuer mon meilleur ami d'un coup de collier lors de notre répétition, je pense à l'enlever. J'enfile mes chaussures plates... Et on reprend. "Sais-tu danser la carioca... Ce n'est pas un fox trot, ni une polka.." Bon, le début, on connaît bien il n'y a rien à dire. Ah, là, en dansant, c'est mon bracelet qui vient de voler et qui a manqué tuer la femme de mon meilleur ami qui nous coachait. Fou rire à peine maîtrisé... mais qui n'a pas duré : là, c'est encore la version trop courte de la chanson que j'ai mise. Euh... J'ai peur, là, d'un coup. Ce n'est plus le QI d'un bulot que j'ai, mais celui d'un bulot atteint d'Alzheimer. Bon, on va essayer cette autre version de la chanson. Et si ce n'est pas celle-là, et bien... ce sera un deuil national.
Carioca. Répétition numéro 3. "Sais-tu danser la carioca... Ce n'est pas un fox trot, ni une polka.." Je ne sais pas pourquoi, mais on commence à en avoir un peu marre là, du début... Miracle ! C'est la bonne version... et pour fêter ça, mon meilleur ami marche sur ma chaussure et vlan, j'explose ma seule paire de chaussures plates ! Ecroulés de rire, on arrive quand même à terminer notre chorégraphie... Bon, je n'ai pas le choix. Il faut que je danse avec mes talons. Du coup, on va répéter, encore une fois.
Carioca. Répétition numéro 4. "Sais-tu danser la carioca... Ce n'est pas un fox trot, ni une polka.." Finalement, je m'en sors pas trop mal : j'arrive à sauter avec mes talons aiguilles... sauf qu'à un moment, mon talon se prend dans ma robe derrière. Je me retrouve la jambe pliée, bloquée, à sautiller sur un pied, avec un cruel dilemme : je décoince mon pied en tirant et je prends le risque de déchirer ma robe, ou je sabote sciemment cette ultime répétition. Et bien, je sabote allègrement. Et je prends la sage décision de danser pieds nus.
Pendant qu'on répète, je vois bien que tout le personnel de cuisine se relaie pour venir voir combien nous sommes ridicules. Les serveurs viennent, comme par hasard, tous voir si la salle est prête. Quand on termine, le DJ nous dit : "Mais... Vous n'êtes absolument pas ridicules ! Vous avez vachement bossé ! On dirait des pros !". Bizarrement, nous n'en croyons pas un mot.... et cette phrase ne nous rassure pas... pas du tout...
Après ces cinq répétitions, nous retournons prendre l'apéritif avec tous les invités. Et là, on me demande plusieurs fois : "Euh... Ca va, MC ?". Quoi ? Oui, j'ai chaud. Oui, je suis rouge. Oui, par mesure de prévention pour le reste de la soirée, je préfère aller courir m'enfermer dans les toilettes pour vider la bombe de déodorant. On n'est jamais trop prudent, dans ces cas-là.
Le repas se passe. Entrée. Poisson. Viande. Salade et fromage. Les gens dansent sur la piste. Le DJ me fait signe. Mon meilleur ami est vert. Je n'en mène pas large non plus. Je vais récupérer ma fabuleuse trompette. Et quand ma meilleure amie me voit passer avec mon accessoire de danseuse de carioca, je l'entends juste dire : "Oh punaise, c'est maintenant ! Youhouuuuuuuuuuu !". (Pfff, les amis, c'est plus ce que c'était !)
Et c'est parti. Je suis seule au milieu de la piste de danse (pieds nus, forcément). Je sens une petite centaine de regards sur moi. Tout va bien. Trompette. Je commence à tourner la tête, comme dans la chorégraphie. Je croise le regard de mon meilleur ami. "Sais-tu danser la carioca... Ce n'est pas un fox trot, ni une polka.."C'est parti. On danse. Bien. Pas une erreur. On est en rythme. Ensemble. Je ne regarde personne. J'entends le rire communicatif de ma meilleure amie et de son mari. Je ne veux pas les regarder. Mon meilleur ami et moi n'articulons pas un mot mais nos regards disent tout.
"Tant pis s'il faut dire aux autres danses, au revoir...". C'est fini. On se jette tous dans les bras les uns des autres : les jeunes mariés, mon meilleur ami, moi... Nous sommes écroulés de rire, les mariés nous remercient, les invités crient, sifflent, applaudissent. On se serait presque crus véritablement sur la scène du palais du festival de Cannes.... Et tout le reste de la soirée, les jeunes, les moins jeunes, tout le monde est venu nous trouver : "C'était génial !", "Bravo !", "Mais, vous avez dû énormément répéter, non ?", "C'était aussi bien que Chabat et Darmon", "Franchement, c'est d'un niveau professionnel", "Vous étiez supers", "Quelle bonne idée !" et j'en passe... Enfin, heureusement que je n'étais pas venue à ce mariage en espérant rencontrer l'âme soeur, parce qu'un homme à qui je plairais parce que je sais danser la carioca, ça m'inquiéterait...
Finalement, nous serions presque fiers de nous... (mais presque, hein !)
Sauf, que le lendemain, à chaque fois qu'un des invités arrivait, on me disait : "Sais-tu danser la carioca ?"... et j'ai encore eu droit à de gentilles paroles sur notre fait d'armes de la veille. Je crois qu'ils vont oublier mon prénom, à force... Je ne suis pas qu'une danseuse de carioca, je suis MC ! (bon, là, il vous manque le ton faussement théâtral !)
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