A l’occasion de la semaine du développement durable, Psychologie Magazine s’est associé à GreenProd pour défendre sous forme de WebTV les valeurs environnementales… avec parfois quelques difficultés… Pas facile en effet, de ne pas jouer les troubles-fêtes par des discours moralisateurs, par exemple en famille. Extrait de cet intéressant article :
«Fin juin, ma fille Manon, 14 ans, s’apprêtait à jeter une dizaine de cahiers de classe quasiment intacts, raconte Judith, 40 ans. Quand je lui en ai fait la remarque, je me suis pris une volée de bois vert. Elle m’a dit en avoir marre de bouffer des légumes bio, marre de notre bagnole pourrie qui lui “colle la honte”, marre de se laver avec du “vieux savon” (je boycotte le gel douche), marre de mes tirades contre les fringues fabriquées à l’autre bout du monde ! Je ne suis pourtant pas une pasionaria écolo. Je m’y suis mise sur le tard, et je m’en tiens à quelques principes simples, que j’essaie effectivement de transmettre à mes enfants. Mais avec Manon, ça ne passe pas ! »
Il est naturel que le discours écolo, surtout quand il vient des parents, ait du mal à passer auprès des adolescents, qui aiment avant tout être dans la conformité et dans l’identification aux copains. Nos choix verts déclenchent chez eux de l’agressivité, car ils les privent de la consommation de gadgets high-tech, de vêtements et de junk food « identitaires »… Leurs cadets sont plus ouverts, mais attention à notre façon de présenter les choses. « L’autre jour, ma fille de 9 ans était encore en train de prendre une douche interminable, confie Lydia, 35 ans. J’ai déboulé dans la salle de bains et, comme ils en avaient parlé à l’école, j’en ai rajouté sur les ours polaires qui se noient en nageant des jours entiers à la recherche d’un bout de banquise intact, et sur la façon dont, une fois les réserves épuisées, on va s’entre-tuer pour trois gouttes d’eau. Elle a fini en larmes, j’ai mis beaucoup de temps à la calmer. »
« Quand nous étions enfants, on nous répétait : “Il faut économiser l’eau, l’électricité”, rappelle le psychothérapeute Patrick Estrade. Aujourd’hui, l’avenir de la planète a bon dos : on reproduit en fait le même discours parental autoritaire. Ce qui nous énerve, c’est moins que l’enfant – ou l’ado – soit dans le gâchis que dans l’insouciance, et on se venge en le culpabilisant. Mais “Arrête de gâcher de l’eau, il y a la banquise qui fond”, est-ce vraiment plus intelligent que le sempiternel “Finis ton assiette, il y a des enfants qui meurent de faim” de notre enfance ? »
Écologie et paix des familles ne font pas forcément bon ménage
Passons sur le fait que, depuis notre conversion, nous avons de nouveaux sujets d’empoignades avec notre conjoint (« Le pot de yaourt avec son opercule en alu, pas dans la poubelle jaune ! ») ou avec notre belle-sœur dans la maison de vacances (« C’est toi qui as acheté des compotes individuelles suremballées ? »). Nous avons beau essayer de ne donner de leçons à personne, nous ne faisons que ça, au risque d’horripiler notre entourage. Margaux, 31 ans, a ainsi des beaux-parents jouisseurs : « Éteindre la lumière en sortant d’une pièce, ça leur rappelle les privations de l’après-guerre. Ma belle-mère m’attaque aussi sur le terrain féministe : “Tu as quoi contre les plats préparés ou les micro-ondes ? Ça a quand même libéré les femmes, non ?” Je passe pour une réactionnaire. »
Selon le psychanalyste Jean-Claude Liaudet, « on assiste, sur le terrain environnemental, à une inversion générationnelle. Se faire rappeler à l’ordre par la jeune génération, c’est insupportable ».