Une stratégie de la tension
En août 2008, l'Ossétie du Sud fut envahie par la Géorgie, dont le gouvernement n’agit qu’avec l’accord, voire sur l’ordre, du gouvernement des États-Unis d'Amérique. Il s’agissait de tester la réactivité du gouvernement de la Russie et la solidarité entre la Russie et la Chine, deux puissances embarrassées par les répressions qu’elles exercent en Tchétchénie et au Tibet. La riposte russe fut rapide et efficace. N’importe quelle puissance ainsi défiée à sa frontière ne peut que couper court à toute tentative semblable. On ne voit pas comment la Russie aurait pu réagir autrement.
La guerre en Afghanistan, dans laquelle un pouvoir fantoche s’efforce d’embourber la France, entretient un foyer de violence et de désespoir dans un pays épuisé par trente années de guerre. Pourtant seuls les Afghans pourront construire leur État.
Et seuls les Irakiens pourront reconstruire le leur.
L'agression à présent menée par Israël contre Gaza s'inscrit dans la même stratégie générale des puissances anglo-saxonnes pour maintenir leur prépondérance. Deux attaques, qui ne s’improvisent pas, à la fin d’une mandature étasunienne, l’une en plein été, le jour de l’ouverture des Jeux olympiques, l’autre pendant la trêve de fin d’année : il s’agit de prendre l’opinion publique par surprise et de créer, avant le changement de président, une situation irréversible. Le silence du président élu des États-Unis n'augure rien de bon ; encadré par des vieux politiciens du temps de Clinton, sans doute est-il déjà ficelé par des puissances financières peu différentes de celles qui commandaient à la famille Bush. On ne devient pas président d’une grande puissance politique sans avoir fourni des gages à l'oligarchie.
Le but visé paraît être de pallier l'effondrement de la domination financière au moyen de l'intimidation militaire, pendant le temps nécessaire à restaurer le mécanisme de pompage financier des ressources mondiales. Les guerres locales contre des populations trop faibles pour se défendre efficacement servent à exhiber la puissance militaire et à faire craindre l'embrasement général. Comme dans une cour de récréation, un grand escogriffe incite un petit agressif à rosser un petit faiblard, afin d’intimider les autres grands, empêchés de réagir vivement par la crainte de déclencher une bagarre générale. Bien entendu, les financiers qui dirigent l'empire anglo-saxon sont plus subtils que les pan-germanistes du XXe siècle (ce n’est pas difficile). Ils ne veulent pas conquérir par les armes, mais maintenir un niveau de danger international tel que les neutres et les pleutres ne veuillent pas s'émanciper. Ainsi, dans chaque pays, la bourgeoisie d'affaire compradore leur cède.
C'est très net en France : le peuple voudrait que la domination anglo-saxonne cesse. La réforme de l'euro, la sortie de l'OTAN, l'émancipation de la tutelle bruxelloise, seraient bien accueillies par les Français. Rétablir une influence française dans le monde est indispensable au maintien de notre liberté ; les Français le savent bien et le souhaitent. Mais cela nécessiterait que les gouvernants français cessent de servir leurs maîtres en veules larbins, comme ils le font depuis quelques années. Or les classes dominantes, représentées politiquement par l'UMPS, veulent rester vassales des Anglo-saxons afin de dominer le peuple, dans l’espoir chimérique de s’intégrer à la surclasse mondiale des riches pillards anglophones, leur unique idéal, le modèle qui les fait rêver. Cette stratégie de la tension sert donc leur intérêt. La presse au service des riches, L'Immonde, Aliénation et le Barbier de Paris, le prouve tous les jours par ses articles.
Au-delà des problèmes locaux du Proche et du Moyen Orient, ces guerres interminables servent à maintenir la domination des puissants, à effrayer les peuples et à les distraire de leurs vrais intérêts, pour les faire taire.
La guerre de Gaza est un épisode d'une lutte des classes à l'échelle mondiale. Ce qui n'ôte évidemment rien à la gravité locale de l'affaire, ni aux souffrances des victimes. Contrairement aux luttes de décolonisation des années cinquante, il n'y a pas de solution politique à court terme. A l'époque, les gouvernants français commirent beaucoup de fautes, qui causèrent de graves souffrances, mais ils cherchèrent bientôt des solutions politiques (en trouver une est plus difficile qu’en chercher, puisqu’il faut s'accorder avec la partie adverse, et que chaque partie est divisée entre partisans des pourparlers et de la force). Rien de tel en ce moment au Proche-Orient : les acteurs prépondérants, les puissances anglo-saxonnes et Israël, ne veulent pas d'un accord et s'arrangent toujours pour faire capoter toutes les négociations. A dessein, ils discréditent leurs interlocuteurs modérés et renforcent l’ascendant de leurs adversaires les plus intransigeants. Soumettre les populations adverses à des lideurs extrémistes, exposer leur propre population au péril, est une tactique décidée froidement afin de faire perdurer la guerre.
Les citoyens israéliens paraissent incapables de peser sur les décisions de la classe politique et militaire qui domine leur pays. Apeurés, et sans doute honteux pour la plupart, ils regardent leur armée massacrer des réfugiés parqués dans un vaste camp de regroupement surpeuplé. Ils savent que ces violences qui les font haïr ne régleront rien, et n’amélioreront même pas leur sécurité. A long terme, les politiciens israéliens risquent de signer la mort de leur pays, ce qui signifie que le monde entier est en danger pour un territoire aride grand comme moins de deux départements français.
Mais les vrais décideurs ne se soucient pas d’un enjeu si mesquin : décidés à côtoyer le gouffre, leurs vraies motivations sont la griserie du pouvoir, le plaisir de duper, la jouissance d’une victoire de plus, fût-elle éphémère, dans la guerre des riches contre les pauvres.
Christian Darlot 15 janvier 2009
"Dans le champ de l’Erreur se moissonne la Mort"
Eschyle