Le Mémorial à la Guerre d’Indépendance estonienne n’a PAS de caractère “Nazi”

Par Bouffioux


Cet article est une réponse à certains medias russes ayant qualifié le mémorial à la Guerre d’Indépendance estonienne d’hommage au nazisme.
Ce weekend, je me suis enfin rendu sur Vabaduse Valjäk (Place de la Liberté) afin de me promener au pied du mémorial récemment inauguré et de la croix de la Liberté qui domine désormais la place éponyme.
Le monument et la place, elle-même restaurée et qui sera désormais piétonne, donnent un aspect propre et clair à l’entrée de la vieille ville. Le monument et sa croix translucides, illuminés de nuit, sont un hommage à la Guerre de 1918-1920 ayant conduit à la première indépendance de l’Estonie.
Cependant, le mémorial célèbre bien plus que cette guerre. Il est le symbole de l’indépendance (retrouvée en 1991) et de la Liberté d’une nation qui a trop souvent été placée sous le joug de nombreux envahisseurs.
Une partie du mur Est du bastion d’Ingermanland a été détruit afin de permettre la construction du monument mais cette section du mur des fortifications a été restaurée, incluse et mise en valeur au sein du mémorial. D’autres fouilles ont eu lieu sur le site.
Les discussions afin de décider de la construction du mémorial ont duré des années et de nombreuses compétitions ont été organisées dans le but de définir le projet, son emplacement et son design. Ces débats ne sont cependant pas comparables à la ferveur populaire et aux critiques adressées concernant le coût et l’esthétique du monument.
Certains, notamment le voisin de l’est, ont été plus incisifs, je dirais même insultants, en qualifiant ce monument d’hommage au nazisme. Ils ont surtout trouvé une bonne occasion de se taire et montré leur profonde ignorance de l’Histoire. Ou peut-être est-ce dû au fait (comme le souligne un lecteur dans un commentaire d’un précédent billet) que toute allusion à l’indépendance de l’Estonie rend le grand voisin russe malade ?
La falsification de l’Histoire et « l’ignorance volontaire » de la vérité ne sont pas des excuses à cette accusation et ne font que renforcer la bassesse de ces attaques argumentées par des faits non établis ou détournés.
En effet, certains médias russes ont déclaré que le nouveau monument érigé dans la capitale estonienne était un hommage rendu aux soldats ayant combattu aux côtés des Nazis durant le seconde guerre mondiale.
Rappelons tout d’abord que la croix dominant le monument est inspirée de la croix potencée de la médaille rendant hommage aux Estoniens ayant combattu l’empire russe durant la guerre d’indépendance entre 1918 et 1920 et n’a absolument aucun lien avec la croix gammée nazie.
Ces médias russes ont également souligné dans leur propos que l’adoption de cette insigne par les unités estoniennes ayant combattu dans l’armée nazie contre les soviétiques durant la seconde guerre mondiale glorifie le nazisme.
Encore une fois, revenons à l’origine ce cette croix qui est la Croix de la Liberté, la plus haute distinction estonienne, créée en… 1919, bien avant l’ère nazie et l’invasion de la peste brune en Europe. Elle vient récompenser des services rendus durant la guerre d’indépendance estonienne.
L’adoption de cette insigne par les Estoniens enrôlés dans l’armée allemande est donc toute naturelle puisqu’elle est le symbole de leur indépendance et de leur liberté passée (et donc de l’espoir de son retour). Cela pouvait par ailleurs constituer un bon moyen de retrouver ses compagnons dans la foule.
J’ajouterais que les Estoniens ayant combattu du côté allemand n’ont pas toujours eu le choix (nombre d’entre eux ont d’ailleurs préféré tenter le voyage risqué vers la Finlande pour y combattre) et que les soviétiques ont usé des mêmes méthodes et n’ont pas hésiter à puiser dans la population de force lorsqu’ils avaient besoin de sang estonien (des pays baltes en général) pour son armée.
Les Estoniens ont-ils vraiment eu le choix ? Ils ont servi des deux côtés, certains combattant l’occupation nazie et d’autres servant dans l’armée allemande afin d’empêcher le retour des soviétiques amenant avec eux la terreur.
Depuis leur indépendance en 1991, certains ont mis en avant le fait que, pour les pays baltes, la Seconde Guerre Mondiale ne fut qu’un choix entre deux puissances maléfiques. Communisme ou nazisme, avaient-ils le pouvoir de décider ? Peuvent-ils être tenus responsables ? Absolument pas ! Ils ont cependant payé un très lourd tribut en vies humaines (et en patrimoine) et ont le droit de célébrer leur Liberté et d’user leurs symboles nationaux.
La Russie cependant traite toute tentative de mettre à égalité les deux axes du mal durant cette guerre de « falsification » de l’Histoire et d’affront à la mémoire des troupes soviétiques ayant combattu le nazisme.
Notons au passage que des Russes anti-communistes ont servi les Nazis et adopté d’anciennes insignes nationales que Moscou a remis au goût du jour depuis la chute de l’URSS. Martin Jashko, porte-parole du Ministre de la Défense, provoque et explique : « nous pourrions argumenter de la même manière que le drapeau russe blanc, bleu et rouge ou le drapeau de St Andrew… utilisés par ces unités aux côtés des nazis sont devenus des symboles associés au nazisme aujourd’hui ».
L’Histoire de la guerre et les relations avec le voisin russe sont hyper-sensibles du fait de la présence d’une importante population d’ethnie russe sur le territoire estonien - environ 25% de la population.
Et pour illustrer ce billet, un peu de JJG pour expliquer...