La réaction des enfants face
au handicap est révélatrice: regard de la société, mais aussi notre stade d'acceptation de notre état.
La vérité ne sort pas toujours de la bouche des enfants. Dès lors qu'ils parlent, ils répètent, imitent ce que d'autres leur ont inculqué. Ils sont, par contre, d'excellents baromètres de la
mentalité, de l'éducation de leurs parents et du regard de ceux-ci sur le handicap. Un mini miroir de la société. Peut-être aussi un aperçu du regard futur sur les handis.
Les enfants de mon quartier ont "la chance" de grandir avec un regard de neutralité et de normalité sur le handicap, puisque je suis là pour les encourager dans ce
sens. Je suis très connue, ils me saluent poliment, me donnent un coup de main dans les pentes, me poussent avec mon accord en courant, leurs cartables sur le dos au retour de l'école. Très sympa.
Pour eux, je suis @DY, une femme avec tel métier et à roulettes, un point c'est tout. D'ailleurs, les roulettes, ils connaissent
aussi, leurs cartables en sont parfois équipés!
Je n'ai pas d'enfants, car la sclérose en plaques à 33 ans sans diagnostic (je ne l'aurai qu'à 36 le verdict définitif), ça calme (je venais de me séparer du
grand amour de ma vie)!!! Ne sachant où j'allais, ou encore si j'avais un avenir. Puis, à 36 ans, je connaissais un bel amour, avec un homme handicapé de 8 ans mon cadet, et avec qui j'étais prête
à avoir un bébé. Nous avions consulté des spécialistes en conséquence. Mon gynéco de l'époque en était tout ému et prêt à nous suivre dans cette aventure incroyable. Pour nous, c'était simplement
revendiquer notre droit à une vie normale, puisque nous nous sentions normaux. L'amour ayant effacé ma fatigue, j'étais prête à relever le défi de l'enfant. A cause de ma paraplégie, ma neurologue
m'avait annoncé qu'il s'agirait forcément d'une césarienne. Elle ne m'avait pas caché les risques pour ma santé. Après avoir pesé le pour et le contre, effectué les examens de routine, nous avons
arrêté le contraceptif. Je ne suis pas tombée enceinte, et notre couple n'a pas duré, pour des raisons que j'explique dans un article rédigé il y a 2 jours. N'empêche, le rêve, même non réalisé, a
été beau.
Pas de regrets, car j'ai participé grandement à l'éducation de mes neveu/nièces et ai des petits-neveux (4 actuellement) que je peux pouponner et gâter! En fait, je me sens grand-mère alors que je
suis tante! Quand mes oiseaux font des petits, c'est pareil! Pas de frustration, donc.
Depuis que je suis en fauteuil, je m'amuse de la réaction des enfants devant ma différence: petit florilège:
* "Dis, madame, tu as bobo aux pieds? Tu peux pas marcher?": c'est sans doute ce que j'entends le plus souvent. Je souris et réponds toujours:
"Bonjour toi! Oui, parfois j'ai bobo. Et je ne peux plus marcher parce que j'ai une maladie qui a fait bobo à mes pieds. Mais c'est pas grave, tu vois, j'ai mon fauteuil à roulettes!"
Sur ce, le petit enfant acquiesce, rassuré, et sourit de retour. Parfois la discussion continue avec la maman, le papa. J'en profite pour parler de la SEP.
* Il y a aussi les enfants qui ne parlent pas, mais se cachent derrière leur maman pour me regarder. Là, je fais un clin d'oeil et je fais mine de me cacher
aussi. On éclate de rire.
* Il y a ceux qui me montrent du doigt de loin, timidement, en demandant à leur parent ce que j'ai. Il y a les parents qui éduquent à ne pas désigner
du doigt... et les autres. Dans les 2 cas, je souris et explique ce que j'ai, avec des mots très simples en rapport avec l'âge du bambin.
*Il y a ceux
qui courent dans les rayons et me tombent dessus, surpris, heurtant mon fauteuil de plein fouet, et que je cueille avant qu'ils ne se fassent mal. Sourire suffit à éduquer leur
regard. Ils me rendent mon sourire et repartent, sans mot dire, vers leur parent, en se retournant pour agiter leur main: "aurevoir".
* Plus rares, ceux un peu plus grands qui me
rejoignent tout naturellement et m'adressent la parole: "Ah t'es handicapée? Mon pépé aussi il a un fauteuil comme ça. T'as mal?". J'explique.
"Je peux faire marcher ta sonnette?" (j'ai une sonnette de vélo sur ma titine!). "Zyva, mon gars!" Hihi! Et on rameute les parents, effrayant
au passage tout le magasin! J'adoreeeeee! Je suis restée une gamine je crois. Grave.
*Autre cas: celui des parents qui "éduquent" leur marmot: "Pousse-toi, tu vois bien que la dame veut
passer. Laisse passer la dame malade/handicapée. Etc..." Bien maladroits les parents, leurs propos et leur mine trahissent leur malaise, qu'ils vont hélas transmettre à la génération
suivante parce qu'ils n'ont pas fait de travail sur eux avant de donner la vie. Et comme l'intégration scolaire des enfants handis en est encore à ses balbutiements, ce n'est pas gagné... Le combat
contre la gêne et les préjugés n'en est qu'à son commencement.
* En hypermarché, quand j'emprunte le scooter électrique handicapé mis à la disposition des handis pour faire leurs courses assis, (avec une
minuscule corbeille sur l'engin qui ne permet pas d'acheter grand chose, mais bon!), je fais sensation auprès des enfants qui se mettent à faire des caprices et veulent que leurs parents leur
prennent un scooter au lieu du sempiternel caddy! Trop drôle! En plus, comme je conduis comme un danger public entre les rayons, freinant eu dernier moment et activant inutilement mon avertisseur
parce que j'en aime le son et pour faire sursauter les bipèdes devant moi, ça dédramatise! Il y a même des adultes qui n'ont pas compris qu'il s'agissait d'un véhicule réservé aux handis et me
demandent où on peut le prendre dans le magasin. Marrant!
* Le top du top, c'est quand même la réaction d'un des enfants d'une amie/collègue très chère. Il devait avoir 3 ans à l'époque, c'était l'année du
handicap, et on avait monté un projet où je mettais nos djeun's en fauteuil roulant, avec des parcours genre jeu de piste à effectuer en ville (article à venir
bientôt avec photos) pour les sensibiliser au handicap et faire évoluer leur regard. Dans le projet, il y avait aussi l'invitation de basketteurs handis de haut niveau (mon ex en a fait
partie par la suite), et on pouvait les affronter en salle, à condition de se mettre en fauteuil! Grand moment! C'est là que Riri (les 3 enfants de ma collègue,
je les appelle Riri, Fifi et Loulou!), petit bonhomme haut comme trois pommes, s'est mis en fauteuil, a roulé, essayé d'attraper le ballon trop grand pour ses menottes, et s'est éclaté! C'est assis
en fauteuil roulant que toute la bande a ramené les titines empruntées pour le projet chez moi, sourire aux lèvres, et vas-y que je rame et que je pousse mes roues! Si
bien que Riri, pour Noël... A réclamé un fauteuil roulant!!!!! Alors là, j'ai su qu'il ne regarderait jamais les handis avec pitié ni compassion, mais normalement! Mission accomplie. Bon,
après, c'est ma collègue qui a été embêtée, parce qu'il a pleuré quand le Père Noël n'a pas exaucé son voeu! Hihi!
***Je consacrerai prochainement un article à la manière de parler de sa sclérose en plaques à son/ses enfant(s). Je
me base sur mon expérience de "tatie" éduquant un petit-neveu actuellement. Et sur celles de mes amis SEPiens qui ont des enfants. Sur ma fonction d'écoutante
dans un groupe de parole SEP aussi.
*Première parution le 28 avril 2007!*