Le timing pouvait difficilement être meilleur pour parler d’un livre qui tente d’expliquer ce qui cloche dans l’industrie de la musique aujourd’hui.
Jeudi dernier, Michael Jackson quittait cette terre à l’âge de 50 ans alors qu’il s’apprêtait à faire un retour triomphal sur scène. Deux semaines plus tôt, une mère de famille du Minnesota, Jammie Thomas, a été rendue coupable d’avoir partagé de la musique en ligne. Sa sentence : un ridicule 80 000$ pour chacune des 24 chansons identifiées (elle en aurait partagée 1702, en fait).
Comme par hasard, Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age débute par Michael Jackson et se termine avec le “problème” du téléchargement illicite de musique. Les premiers chapitres racontent comment, suite à la mort du disco à la fin des années 70 et une période noire pour les compagnies de disque, le méga Thriller de Michael Jackson et surtout l’invention du disque compact ont permis à l’industrie musicale de devenir l’une des plus riches de la planète.
Le CD : la grande illusion
À l’époque du vinyle, le bon peuple pouvait se payer le dernier Bob Dylan pour 7,99$ et la moindre hausse de prix provoquait un tel tollé de protestations que ce 7,99 a perduré pendant plusieurs années. Puis le CD a débarqué. Pas de bruits de pop-corn, pas de friction sur la surface, pas d’usure, un son pur, une durée de vie presque infinie, un format plus pratique, annonçait-on. Et tout ça fut vrai (bien que les puristes insistent pour dire que le son du vinyle demeure inégalé à ce jour).
De 7,99$, l’achat d’un disque passait à plus de 20$ car le CD coûtait plus cher à produire. Vraiment? Peut-être au début en raison de la rareté des unités de fabrication et des procédés plus ou moins au point, mais après quelque années le prix du CD aurait dû descendre aussi bas - ou presque - que le vinyle ou la cassette. Sauf que les amateurs de musique avaient déjà fait le saut à 20$ et ne s’en plaignaient pas.
Le CD a aussi causé la mort du 45 tours. Depuis toujours, les amateurs de musique se procuraient leur chanson préférée pour un ou deux dollars sans être obligé d’acheter l’album en entier. Le format CD a donc obligé les consommateurs de musique pop à payer 20$ et plus pour un album contenant un ou deux hits et une dizaine de chansons de remplissage.
C’est alors que le chiffre d’affaires des gros labels (Warner, Sony, BMG, etc.) a pété le plafond pour atteindre les milliards.
Internet, Napster, iTunes : la chute
Après sa description assez révoltante des années fastes de l’industrie (marquées par une exploitation sournoise des nouveaux artistes et des musicophiles), l’auteur Steve Knopper s’attarde au retour d’ascenseur. L’introduction d’Internet dans la majorité des foyers au milieu des années 90 a suscité une indifférence totale dans l’industrie. Personne à l’interne n’a cru bon de s’attarder au phénomène. “À quoi bon?” explique un ancien VP d’un major. “L’argent coulait à flots et rien n’indiquait que ça changerait au cours des prochaines années”.
Effectivement, rien n’a changé. Jusqu’en 1998, année ou Shawn Fanning introduisit les bases du transfert peer to peer (P2P) avec Napster. Quelques années plus tard, Steve Jobs gagna son bras de fer avec la plupart des gros labels et ramena le prix des albums sous la barre des 10$ avec son iTunes. Pendant ce temps, Kazaa, Gnutella, BiTorrent et autres poursuivaient déjà l’oeuvre de Fanning en rendant gratuitement disponible à peu près toute la musique existante. Le caca, comme on dit, s’est solidement introduit dans le ventilateur.
Les labels ont réagit comme des poules sans tête. “Le problème est qu’on n’avait aucune expertise dans le domaine d’Internet. Lors des réunions, quelqu’un demandait: ‘Qui peut me parler de Napster?’ Silence. On n’avait personne pour nous guider”, raconte un autre VP. Alors débuta un processus essai-erreur qui ne fit qu’accentuer le problème. On pense entre autre à l’introduction d’un système anti-copie dans les CD qui fit crasher les ordinateurs. Bravo! Et malgré les poursuites et les campagnes de peur au sujet du téléchargement interdit, le nombre d’utilisateurs des réseaux P2P n’a cessé d’augmenter.
Justement, j’ai été surpirs de voir que Knopper s’attarde très peu au phénomène de téléchargement illicite. Sa recherche montre que la débâcle de l’industrie est surtout attribuable à… l’industrie. Elle a capitalisé longtemps - et de façon indécente - sur un modèle qui privait le consommateur et les artistes de tout pouvoir. Maintenant, elle en paye le prix et doit surfer sur la vague qu’on lui impose.
Robert Pittman, co-fondateur de MTV, attribue à iTunes (le plus grand vendeur de musique à l’heure actuelle) les pertes importantes de l’industrie a cours des dernières années. La citation qu’on lui attribue à la page 181 de cet excellent livre de Steve Knopper vaut la peine d’être reproduite :
“Ce qui tue la musique ce n’est pas le fait qu’on la vole. Quand je parle aux gens de l’industrie, la plupart d’entre eux admettent que le problème vient du fait qu’ils vendent maintenant des chansons au lieu d’albums. Faites le calcul et vous verrez”.