Après trois années passées en prison, Sherry Swanson retrouve la liberté, en régime conditionnel. Au cours de sa détention, elle s’est débarrassée de son addiction pour la drogue, source de tous ses problèmes. Assagie, plus mature, elle entend bien se réinsérer au plus vite, afin de récupérer la garde de sa fillette de quatre ans, que son frère et sa belle-sœur ont élevée pendant son incarcération. Mais le chemin de la rédemption et de la félicité est semé d’embûches. Pour réussir à retrouver une vie normale, Sherry doit trouver un travail – pas évident quand on a un casier judiciaire – et surtout éviter la tentation de replonger dans l’alcool et la drogue, qui sont des remèdes faciles contre toutes les frustrations qui pourrissent le quotidien des gens ordinaires…
Avec SherryBaby, Laurie Collyer aborde le sujet délicat de la réinsertion des ex-détenues dans une société souvent dure et peu encline au pardon. Elle dresse le portrait touchant et complexe d’une femme qui doit se battre pour regagner le droit à un minimum de considération et de dignité humaine. Sherry doit d’abord affronter le regard condescendant de l’officier responsable de sa liberté conditionnelle, qui ne cache pas ses doutes quant à sa capacité à résister à l’appel de la drogue. Il faut dire que les seules propositions d’emploi qui lui sont faites, du style serveuse dans un bar miteux, qui offrent bien des tentations, n’incitent pas vraiment à l’optimisme. D’ailleurs, pour obtenir le poste qu’elle veut vraiment obtenir, la jeune femme devra passer par une situation des plus humiliantes. A côté de cela, elle doit regagner chaque soir un foyer hébergeant d’autres femmes dans la même situation qu’elle, avec ce que cela suppose de violences verbales et de tentatives d’intimidation. Pas franchement le lieu idéal pour reconstruire sa vie… Et, pour couronner le tout, elle se demande si ses proches, qui doutent de ses chances de réhabilitation, n’ont pas décidé de la tenir définitivement éloignée de sa fille…
Le pire, c’est que Sherry est plus une victime qu’une coupable. La cinéaste ne fait que suggérer les choses, mais on devine que son père a eu des rapports incestueux avec elle, ce qui pourrait expliquer ses pulsions autodestructrices et sa plongée dans l’enfer de la drogue et de la délinquance.
Résumé ainsi, le film peut sembler vraiment sordide. Pourtant, c’est loin d’être le cas. Malgré les difficultés qui surgissent sur son parcours, Sherry réussit à trouver en elle les ressources morales pour continuer à avancer. Cette femme blessée par la vie, mais pleine d’énergie, de rêves et d’espoirs, résolue à rattraper le temps perdu et à récupérer sa fille, est un personnage magnifique, auquel Maggie Gyllenhaal donne chair et âme avec une intensité digne des plus grandes actrices.
Après le rôle-titre remarqué du sulfureux La secrétaire en 2003, elle fait ici encore la preuve de son immense talent. De quoi s’étonner que les cinéastes américains ne fassent pas plus souvent appel à cette actrice à la beauté atypique et au jeu subtil.
De même, on trouvera surprenant que SherryBaby ne sorte que maintenant, et dans un réseau de salles restreint – alors qu’il a été présenté au festival du film américain de Deauville en… 2006 ! Bon d’accord, comme pour Smart people, la mise en scène de cette cinéaste débutante n’a rien d’exceptionnel, suivant à la lettre les conventions du cinéma indépendant américain, et elle n'évite pas une certaine emphase mélodramatique, mais quand on voit les navets qui ont pollué les écrans au cours des trois dernières années, on se dit que le film de Laurie Collyer aurait mérité d’être un peu mieux mis en valeur, et plus tôt… Cela dit, mieux vaut tard que jamais. Alors, profitez-donc de la fête du cinéma pour aller découvrir ce beau film porté par une actrice en état de grâce…
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