Cyberflics : coup de filet ou coup de sac ?

Publié le 28 juin 2009 par Kalvin Whiteoak

On précise d’emblée ici que la traque sur internet de pédophiles de tous poils est parfaitement justifiée. A condition évidemment que ce soient des pédophiles. Et que la traque soit menée conformément à la loi.

Or le Matin Dimanche de ce matin fait des choux gras pour donner dans le sensationnel et au passage plaire aux cyberflics de l’administration vaudoise, toujours tapis derrière une souris et qualifiant une affaire récente d’affaire du siècle, ou plus exactement de réseau mondial de pédophiles …

Voyons donc un peu de plus près à quoi ressemble cette envolée lyrique du plus bel effet commercial en ces temps de vaches maigres même pour le volumineux hebd(r)omadaire.

Le dénommé Arnold Poot (on sait pas comment ça se prononce) le chef cyberflic vaudois qui tire plus vite que l’ombre de son portable a donc recensé 2299 adresses IP uniques.

Bien joué Poot. Ceci dit c’est une nouveauté technique que l’adresse IP unique dans un monde où la majorité d’entre elles ne le sont justement pas, et surtout vont grandir en nombre avec l’application du protocole IPV6. Mais bon on admettra cette information, puisque notre Poot la donne.

Et pour reprendre ses dires, repris eux-mêmes par le Matin, “nous devions agir vite, car nous savions que dans certains pays les fournisseurs d’accès ne conservent la trace des adresses IP que quelques mois, voire quelques semaines“. Plus loin il nous raconte que “sur les 78 pays touchés par cette affaire, trente ont demandé que les dossiers et les preuves leur soient envoyés afin d’ouvrir des poursuites“.

Enfin, juste pour le dessert, on apprend que l’ancien webmaster du site vaudois incriminé a été entendu comme témoin … au début de l’été passé. Donc en juin 2008.

Et qu’enfin quelques condamnations ont été prononcées et des gugusses arrêtés en Pologne .. mais pas encore ni incriminés ni condamnés. Sauterel, le porte-flingue des flics vaudois ajoute même que “c’est la plus grosse affaire de ce genre démantelée en Suisse“: 32 cas suspects mais pas 32 condamnations … 30 pays seulement (on aurait bien aimé savoir lesquels n’ont rien demandé et pourquoi, voici un élément important de l’enquête oublié par le Matin mutin …)

On veut bien que les procédures soient longues mais enfin ça ne fait pas encore l’effectif d’une classe scolaire de la belle époque où les enseignants enseignaient.

Et même si on prend le chiffre de 78 pays …. ramené au pourcentage sur le total des IP fièrement arborées comme prises de guerre de 2299, ça nous fait du 3.3 % de réussite potentielle très éventuelle. Car derrière un ordinateur, même de flic, peuvent se cacher plusieurs personnes … et derrière une IP se cachent souvent plusieurs ordinateurs.

Voilà donc qui devrait ramener les cyberflics à la dure réalité et le Matin avec : on ne sait trop quelle méthode Poot a employée, sans doute un de ces programmes mis grassement à disposition par une officine, ou alors le résultat assez peu performant du fruit de cogitations de futurs ingénieurs du nord-vaudois pas encore très secs derrières les oreilles.

Mais la moisson théorique est misérablement faible pour un site situé en pays vaudois.

En plus, il ne s’agit encore que de très potentiels auteurs qui avec l’usure des juges vont encore diminuer en nombre au fil des années. Bref, passer son temps derrière un écran des années durant et singulièrement pendant plus de 18 mois pour sortir de façon assez aléatoire 2299 adresses IP ne relève pas du miracle mais du boulot de tâcheron .

En plus, pourquoi celles-ci et pas d’autres. ? quel critère de tri ?  On a furieusement l’impression que pour se faire mousser ils ont besoin du Matin et de temps en temps qu’ils secouent les numéros comme dans un sac de loto.

En tous cas les chiffres qu’ils donnent font peur : personne n’est à l’abri d’une bourde monumentale de leur part, et ce sont les chiffres et les explications qu’ils donnent naïvement qui l’attestent ! les cybercriminels ont encore de beaux jours devant eux et les victimes d’erreurs de tri du mauvais sang à se faire.

Sans parler de la légalité des méthodes employées pour la collecte.

PS : quant au webmaster qui ne sait rien et ne voit rien …. et dont on pirate un coin du site  lequel il ne va plus …  ça relève un peu d’ un mauvais conte d’Andersen, ou alors il faut qu’il s’achète très vite des lentilles plus fortes car les statistiques de fréquentation sont imparables,  même pour un endroit caché dans un site. Et quid de l’hébergeur pendant qu’on y est …

Ce billet provient du blog ouVertures.info, une autre lecture de l'info.Reproduction et diffusion autorisées exclusivement sur la base d'un accord préalable écrit.

Cyberflics : coup de filet ou coup de sac ?

Mots-clés:

Vous pouvez lire aussi dans le même ordre d'idées :