La décision de son épouse de ne plus porter le foulard pourrait mettre en ballottage le président sortant Susilo Bambang Yudhoyono, lors de l'élection présidentielle indonésienne du 8 juillet 2009 Pays musulman le plus peuplé de la planète, l'Indonésie jouit d'une longue tradition de tolérance religieuse. Le port ou non du jilbab, le voile islamique, est ainsi très largement laissé à la discrétion de chaque femme et de ses convictions. Néanmoins, à l'approche de l'élection présidentielle du 8 juillet 2009, cette question a surgi dans la campagne. Le leader de la principale formation islamique, le Parti de la justice et de la prospérité (PKS), crédité de 8 % des suffrages aux élections législatives d'avril et membre de la coalition menée par l'actuel président Susilo Bambang Yudhoyono, s'est publiquement interrogé sur le renouvellement de son soutien au président sortant. En cause : l'habitude prise par la première dame, Ani Yudhoyono, d'apparaître en public sans le jilbab. Une interrogation renforcée par le fait que la femme de Jusuf Kalla, vice-président sortant et autre candidat à la présidence, choisit, elle, de toujours apparaître coiffée du voile.
Le voile « couvre la tête, pas le cerveau »
Même si le PKS est un habitué des polémiques religieuses, il n'en fallait pas plus pour lancer le débat. Les partis laïques et nationalistes, qui représentent 70 % de l'électorat, ont vivement appelé à garder la question religieuse dans la sphère privée et à ne pas utiliser l'islam à des fins politiques. Plusieurs musulmanes éminentes ont également rappelé que le jilbab « couvrait leur tête, pas leur cerveau ». Si la polémique lancée par le PKS risque au bout du compte de n'avoir que peu d'influence sur le choix final des Indonésiens, la question du vote musulman reste posée. Fort du soutien implicite des deux principales associations musulmanes du pays, la Nahdlatul Ulama (NU) et la Muhammadiyah, qui regroupent à elles deux 70 millions de sympathisants, le vice-président Jusuf Kalla espère recueillir la majorité de ces votes. Il est d'ailleurs personnellement lié à la NU, alors que sa femme et sa mère sont proches de la Muhammadiyah. Cela fait de lui le candidat le plus « musulman » de tous, et il ne fait aucun doute que ce soutien avait en partie contribué à l'élection du ticket Yudhoyono-Kalla à la tête du pays il y a cinq ans.
La question religieuse a changé la donne
Cela ne sera peut-être pas suffisant pour l'ancien homme d'affaires devenu politicien pour prendre la tête du quatrième pays le plus peuplé de la planète et remplacer un Susilo Bambang Yudhoyono très populaire, à la fois en Indonésie et à l'étranger, où il a replacé le pays sur la carte diplomatique. Mais, alors qu'il y a quelques semaines encore la victoire semblait promise au président sortant dès le premier tour avec environ 70 % des suffrages, l'irruption de la question religieuse a quelque peu changé la donne. Plusieurs instituts de sondages estiment désormais qu'un second tour sera nécessaire, la popularité de Jusuf Kalla étant sur une pente ascendante. Les électeurs indonésiens seuls détiennent la réponse. Mais ce n'est que le 8 juillet 2009 qu'ils la dévoileront.
De notre correspondant à Djakarta, Jean-Baptiste CHAUVIN - Photo : www.inimedanbung.com