Afin de donner à ce changement toute la visibilité qu’il réclamait, le pouvoir a choisi d’interrompre le cours normal de la messe télévisuelle de mardi soir pour donner lecture des nominations intervenues dans son gouvernement. Ecoutant l’auguste Guéant, j’avais l’impression d’entendre le garçon d’ascenseur d’un grand magasin égrener les rayons présents à chaque étage. La palme en ce domaine revient sans conteste à Jean-Louis Borloo ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat. Mais Hervé Novelli est lui aussi un véritable factotum et, la différence du précédent, sans aucun collègue pour faire face à cette pléthore de responsabilités, lui qui se retrouve secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation !
D’où vient cette incapacité à donner à un ministre un titre indiquant son domaine d’action et pourquoi faut-il pour le nommer recourir à un véritable inventaire à la Prévert, où ne manque que le raton-laveur ? Sans compte que cet excès de précisions peut susciter d’autres questions : le second personnage du gouvernement, le sympathique Borloo, se trouve dépossédé de l’Aménagement du territoire, qu’il détenait jusqu’ici, au profit de la nouvelle recrue dite centriste, Michel Mercier. Au passage, cet Aménagement a perdu sa qualification de durable et on peut se demander pourquoi l’Espace rural, attribué au même Mercier, n’en fait pas partie.
Xavier Darcos devient ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville. Epaulé par la si distinguée Nadine Morano pour la Famille et la Solidarité, il s’appuie sur Fadela Amara pour la Politique de la Ville. Faut-il en conclure qu’il ne s’occupe de la Ville qu’en dehors de toute politique ? Et pourquoi la cible de Nora, les Aînés, ont-ils été oubliés dans le panier de M. Darcos ? Au fait, qui sont ces Aînés ? Des vieux, des anciens ?
Bruno Le Maire est nommé Ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche. Comment s’articulent cette Alimentation avec la Consommation d’Hervé Novelli, cette Agriculture avec l’Espace rural de Michel Mercier et cette Pêche avec la Mer de François Borloo ? On sent bien que toutes ces dénominations sont le fruit d’une longue réflexion.
Savourons aussi cette avalanche de niveaux hiérarchiques au sein d’un gouvernement si solidaire : Premier ministre, ministre d’Etat, ministre, ministre auprès du Premier ministre, ministre auprès du ministre, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, secrétaire d’Etat auprès du ministre. Mais le summum de l’hypocrisie réside dans les voix des verbes résumant les autres changements intervenus : « [seize ministres] sont confirmés dans leurs fonctions. Au total huit ministres ont quitté le Gouvernement. Huit nouveaux sont nommés. »
Comprenez : les nouveaux et ceux qui restent ont été passifs, adoubés par notre Souverain. Les autres, très actifs, sont partis, de leur plein gré. Voudrait-on nous faire croire que le Président déplore cette manifestation d’indépendance ? Après tout, ils ont peut-être agi comme des rats quittant un navire en perdition.