Un Congrès pour un emprunt
L'évènement incontestable de cette 112ème semaine depuis l'élection présidentielle devait être l'allocution de Nicolas Sarkozy devant une partie du Parlement réuni en Congrès à Versailles. Malheureusement, le discours a tourné court. Le soufflet s'est dégonflé. Lundi 22 juin, Nicolas Sarkozy est apparu simplement ringard et autiste. Il a livré une bouillie idéologique inédite, qui a troublé jusque dans les rangs de l'UMP : il a d'abord appelé de ses vœux la constitution d'un nouveau modèle français qui mêlerait productivisme, consommation, investissement et écologie. Quelqu'un se souvient-il de la campagne présidentielle de 2007 ? Sarkozy nous promettait de casser ce modèle vieillissant qui décourage le travail. En 2009, Nicolas II fait le grand écart au risque de se froisser le haut des cuisses. Il faudrait travailler plus, dépenser plus, consommer davantage, et préserver la planète. Il invoque le "génie français", récuse la laïcité positive et la discrimination positive, attaque la polémique du moment (la Burqa), dénonce "la loi du plus fort ou celle du plus malin", et découvre que la situation carcérale est une "honte pour notre pays". Y-a-t-il un pilote dans l'avion élyséen ?
En fouillant un peu ses propos, on retrouve bien ses vieilles lubies libérales : pas question d'augmenter les impôts pour financer le déficit croissant des comptes publics ! Nicolas Sarkozy préfère autre chose : réduire ces "déficits structurels", ces "mauvaises" dépenses, les niches sociales, les "excès de bureaucratie". Mais son logiciel idéologique a sauté. Le monarque veut cacher ses intentions de rupture sous une vulgate radicale-socialiste. La mayonnaise ne prend plus. On aurait envie de l'encourager à relire quelques classiques d'économie, plutôt que de nous confier sur Facebook qu'il vient de terminer "Pierre et Jean" de Maupassant...
Lundi, il a surtout annoncé le lancement d'un emprunt national, dont ni le montant ni l'usage ne sont définis. Avec cet emprunt, Sarkozy emprunte aux ménages ce qu'il ne peut plus leur prendre en impôt Chaque jour, les fonctionnaires du Trésor empruntent sur les marchés financiers, espérant que la crédibilité de l'Etat tient encore auprès des prêteurs du monde. Sarkozy s'adresse désormais à nos bourses, plus commode. Avec l'emprunt "national" et "populaire", Sarkozy tente surtout un coup politique. La réussite probable de sa souscription sera présentée comme un blanc-seing à sa politique. Et on peut faire confiance aux services d'Eric Woerth pour proposer des conditions financières très attractives pour éviter tout couac. Le Monarque s'est donc déplacé dans un palais des rois pour solliciter... un emprunt. Et les parlementaires de l'UMP d'applaudir. En 2009, on rase encore gratis en Sarkofrance. Fallait-il dépenser 500 000 euros, mobiliser des centaines de policiers et des caméras de télévision, pour solliciter un nouveau crédit ? Depuis mai 2007, la dette publique a progressé de... 380 milliards d'euros. Question remboursement, on en parlera après 2012... Le Monarque veut gagner du temps : l'heure de vérité, fiscale et financière, est pour bientôt. Il faut tenir jusqu'à l'élection présidentielle de 2012. Après sa réélection, il sera toujours temps de "purger" les déficits, et plonger le pays dans une cure d'austérité.
Un remaniement gâché par Mitterrand et Karachi
Mardi, Sarkozy a dû précipiter son remaniement gouvernemental. L'un des heureux entrants, Frédéric Mitterrand, avait lâché le morceau. Le spectacle a donc été vite recalé à l'heure des journaux télévisés. A 20H15, Claude Guéant apparaît sur le perron de l'Elysée. C'est un gouvernement de "fermeture" et d'image. Les postes clés restent aux mains de quelques grognards du camp présidentiel, à l'exception de Michèle Alliot-Marie que Nicolas Sarkozy est parvenu à dévisser de l'Intérieur. Il a fallu teinter d'un peu de vert ce gouvernement "Fillon IV" : Jean-Borloo récupère ainsi une seconde secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Valérie Letard. Et l'ex-villepiniste Bruno LeMaire devient ministre de l'Agriculture ET de l'Alimentation. Pour ou contre les OGM dans nos assiettes ? En mai 2008, le futur ministre a voté pour la coexistence des cultures OGM et non-OGM...
Mercredi se tenait le premier conseil des ministres de "Fillon IV". Sarkozy suggère aux nouveaux arrivants d'être discret et de travailler leurs dossiers, deux conseils qu'il suit lui-même assez peu. Déjà les tensions et les couacs se font jour. Xavier Darcos lâche une petite bombe à son successeur Luc Chatel: la suppression de 16 000 postes à l'Education Nationale en 2010. Michèle Alliot-Marie dispute déjà le sort des prisons à son nouveau secrétaire d'Etat "sans affectation" Jean-Marie Bockel. Frédéric Mitterrand affronte une grève au ministre de la Culture. Et on apprend que le nouveau secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, se faisait loger en HLM jusqu'à l'année dernière... Les recalés du remaniement, eux, ne furent même pas prévenus oralement de leur éviction avant l'annonce officielle mardi soir... Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l'UMP, est inquiet : il a appris également très tardivement qu'il risquait de perdre, par ricochet, son mandat de député : André Santini a 30 jours pour décider s'il souhaite récupérer son mandat. S'il passe son tour, Lefebvre devra alors se présenter devant les électeurs.
L'après-midi, l'opposition demande une déclaration de politique générale au premier ministre. En vain. Il y a pourtant matière. Le discours élyséen de lundi était confus. Sarkozy semble ainsi considérer que les "amortisseurs sociaux" existants sont bien suffisants : la casse sociale a néanmoins bien eu lieu, même si elle fut ralentie par l'ampleur de la récession. La semaine prochaine, le SMIC n'augmentera que du strict minimum : +1,3% au 1er juillet, soit 16 euros bruts de plus par mois. Brice Hortefeux a précisé lundi dernier qu'il s'était basé sur les conclusions d'un rapport d'experts 'indépendants'. Le lendemain soir, il filait à l'Intérieur. Xavier Darcos le remplace. Le "réformateur" de l'Education Nationale arrive aux Affaires Sociales pour s'occuper des retraites. Avec un peu de chance, les retraités seront dans la rue en février prochain. Dans l'attente, on nous a confirmé l'envolée du chômage: en mai, 36 000 demandeurs d'emploi supplémentaires sont venus grossir les rangs du pôle emploi. Le rythme de progression du chômage s'est provisoirement ralenti. En mai, les plans sociaux du début de l'année n'ont pas encore produit leur effet, et les étudiants sont encore étudiants. Même les économistes les plus conservateurs attendent 3 millions de chômeurs "officiels" pour la fin de l'année. Si l'on ajoutent les nouveaux précaires à temps partiels au RSA, on frisera les 6 ou 7 millions de chômeurs. Nicolas Sarkozy peut nous raconter que nous sortirons plus forts de la crise avec ses réformes. Les chômeurs victimes de "l'offre raisonnable d'emploi" s'en souviendront.
Sarkozy a même botté en touche sur les priorités de l'action gouvernementale des mois à venir. Il aimerait qu'on en débatte... Mercredi soir, Fillon annonce un "séminaire" de réflexion pour dimanche, avec ses ministres. On aurait préféré qu'il nous parle de Karachi.
Les Antilles gâchées par Karachi et Jackson
Il y a une autre affaire, plus sombre, plus glauque, plus dangereuse à commenter. On se doute bien qu'elle aura peine à sortir. Les juges doivent se dépêcher. Qu'elle soit avérée ou pas, elle concerne Nicolas Sarkozy. En septembre 1994, la France a vendu à perte trois sous-marins Agosta au Pakistan. Pourquoi "à perte" ? C'est curieux. Sarkozy était ministre du Budget, il a autorisé la défiscalisation des commissions versées à divers intermédiaires pakistanais ou autres; François Pérol était administrateur de la DCN, le fabriquant des sous-marins. En 1995, Jacques Chirac a stoppé le versement de ces commissions. Charles Millon, son ministre de la Défense de l'époque l'a confirmé cette semaine. Chirac soupçonnait le Pakistan ou certains intermédiaires d'en rétrocéder à l'équipe Balladur une partie. En 2002, un attentat ciblé coûte la vie à 11 ingénieurs français à Karachi. La DCN explique au juge Bruguière charge de l'instruction qu'elle soupçonne des représailles pakistanaises. Le Karachi-gate prend de l'ampleur. Dans sa note intitulée "Nautilus", elle écrit : "L'annulation de ces commissions avait été décrétée en 1995, à la suite de l'alternance politique en France, et visait à assécher les réseaux de financement occultes de l'Association pour la Réforme d'Édouard Balladur." Bruguière lâche l'enquête pour rejoindre ... l'UMP en 2007. La guerre de l'ombre rejoint les soupçons de financement politique illégal. Il y a 10 jours, Sarkozy a déclaré que cette théorie était une "fable". Mardi, il nommait Brice Hortefeux ministre de l'Intérieur. L'intéressé n'y croyait pas. Il venait tout juste d'entrer en fonction aux Affaires Sociales. Et l'Assemblée Nationale, sur proposition du gouvernement, a durci le secret défense le 16 juin dernier. Coïncidences ?
Jeudi, le président français s'éclipsait pour les Antilles. Il avait promis d'y aller. On oubliera qu'il devait inaugurer les Etats Généraux de l'Oiutre Mer. Ses conseillers laissaient entendre qu'il serait sobre, économe en déclarations, à l'écoute des populations. On ne saura sans doute jamais si la nouvelle du décès de Michaël Jackson a changé ses plans: jeudi soir, Sarkozy atterrit en Martinique vers 19h30... presque seul : l'avion qui transportait les journalistes couvrant l'évènement a du retard. A Minuit, la rumeur, confirmée une heure plus tard, du décès par arrêt cardiaque du roi de la pop éclipse l'actualité sarkozyenne. Le lendemain, Sarkozy propose un référendum sur l'autonomie de la Martinique. Pour quelqu'un qui voulait s'épargner toute annonce, c'est assez fort ! En Guadeloupe quelques heures plus tard, le son de cloche est différent : il tacle les grévistes et le LKP d'Elie Domota : «Le droit de grève ne peut pas être utilisé comme un instrument de propagangde et de déstabilisation politique. Je ne suis pas prêt à accepter l'inacceptable.» Et il refuse tout référedum sur l'autonomie proposé la veille à la Martinique voisine: «J'ai proposé un schéma à la Martinique. Il est écrit nulle part que la Martinique et la Guadeloupe doivent avancer en même temps». Diviser pour régner ?
Samedi, les télés et radios françaises ne parlaient plus que de Michael.
Too Bad.
Ami sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss