Magazine Culture

La taverne du doge loredan

Par A_girl_from_earth

traduit de l'italien par Jean-Luc Nardone et Jacqueline Malherbe-Galy

Voilà encore un livre qu'on pourrait classer comme OLNI et dont je serai à jamais reconnaissante à Edwood d'avoir attiré mon attention dessus, car je n'ai pas l'impression que je serais allée de moi-même vers ce livre dont la quatrième de couv' est plutôt "embrouillante" et la structure des paragraphes pas très engageante.

Difficile par contre de résister à son argument de choc que je reprends ici et qui fait suite à notre enthousiaste commun pour El Ultimo Lector de David Toscana:
"J'ai cru comprendre en parcourant votre blog que vous êtes particulièrement attentive aux oeuvres qui se plaisent à jouer avec toutes les ressources de la littérature. Si c'est bien le cas, je pense que l'oeuvre d'Alberto Ongaro, La taverne du doge Loredan, devrait vous donner bien du plaisir. Vous pouvez y aller les yeux fermés, d'autant que ce livre fabuleux est désormais disponible en poche.
Tiens, d'ailleurs, après ma énième lecture, il faudra que je réalise un billet."

Bingo, j'ai pris bien du plaisir à lire cet OLNI qui m'a enchantée par son originalité, bien que je comprenne que cet aspect-là précisément pourra en décourager plus d'un, je pense au billet de Géraldine qui m'a beaucoup amusée par ailleurs, car c'est pile poil ce qui l'a ennuyée qui m'a séduite ici, et il n'est pas impossible que ce roman, dans sa structure, irrite bien d'autres lecteurs, comme semble en rire doucement l'auteur par l'intermédiaire de l'un de ses personnages:

"Certes, pense Schultz, passer de cette façon d'un livre à l'autre ne doit pas être très bénéfique pour la santé de l'esprit. Je finirai par avoir les idées confuses, peut-être même par ne plus savoir où je me trouve."

Sans aller dans les détails car c'est un roman drôlement foisonnant, j'ai vraiment apprécié cette idée du livre dont ferait partie son lecteur, ce dernier devenant "un personnage de l'histoire qu'il est en train de lire et même en quelque sorte le coauteur". Ce roman illustre parfaitement bien le mécanisme de lecture où l'on fait des pauses nécessaires, prolongeant ainsi le suspense de l'intrigue, soit pour penser à ce qui est dit, soit parce que ce qu'on vient de lire, par association d'idées, nous fait penser à d'autres choses non contenues dans le livre mais qui y sont liées quelque part. Ces moments ici sont subtilement intégrés à l'intrigue en cours, en en faisant au final, un "roman qui incorpore tout ce qui l'entoure, tout ce qui arrive dans son aire, le lecteur qui le lit, ses pensées, ses souvenirs, son histoire, le téléphone qui sonne [...]" et qui sera "publié tel qu'il s'est composé au fur et à mesure de la lecture".

Il manquait un troisième espace pour insérer les pauses du lecteur externe (nous, donc), nos réflexions en cours de lecture. On pourrait aussi faire partie de ce livre, ou peut-être en fait-on partie? De la même façon que tout n'est pas exprimé en mots dans un livre et qu'il y a des non-dits que l'on supplémente par l'imagination, notre présence active y est peut-être inscrite dans "une page non écrite, une scène qui n'est pas racontée et qui pourtant est là, même si elle n'est pas racontée, dans les espaces de ce livre".

J'ai été vraiment enthousiasmée par le résultat de cet exercice littéraire plutôt original et par les réflexions que suscite ce roman, je regrette juste que les ficelles du livre soient soulignées de façon aussi ostensible, ne laissant pas vraiment au lecteur externe le loisir de tergiverser sur ce qui se passe (à la différence du lecteur du livre).

L'intrigue en elle-même a-t-elle vraiment de l'importance ou sert-elle juste de prétexte à l'élaboration de cette expérimentation littéraire? Je n'en ai pas grimpé aux rideaux personnellement mais elle a juste ce qu'il faut de palpitant, mêlant aventures, trame historique, amours passionnels, petit côté canaille, avec une pointe de fantastique et d'humour auquel je ne m'attendais pas, pour maintenir l'intérêt du lecteur.


C'est un livre assez fou quand on y pense bien mais qui arrive à tenir la route malgré tout, c'est ça que j'ai trouvé admirable!


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


A_girl_from_earth 191 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines