En conflit avec un conseiller de Nicolas Sarkozy chargé des affaires de justice, Rachida Dati a voulu faire preuve d'autorité et a tapé du poing sur la table. Les trois représentants syndicaux des magistrats ont décidé, jusqu'à nouvel ordre de ne plus siéger au sein du CSM pour protester contre ce qu'ils appellent un faux (1). Les syndicats envisagent même de porter plainte pour faux et usage de faux. Dans un communiqué commun, l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature « condamnent de telles pratiques inconcevables dans un État de droit et se réservent la possibilité d'entreprendre toute action en justice, notamment par la voie pénale, pour contester la légalité de cette mutation forcé ».
En effet, le décret présidentiel fait référence à un avis du CSM qui…n'a jamais été formulé. Même si cet avis demeure consultatif, il est aberrant que le rédacteur du décret ait pu s'appuyer sur une décision jamais enregistrée puisqu'elle n'a pas été soumise au vote des membres du CSM. Cette affaire tombe mal. La Cour européenne des droits de l'homme estime en effet que le procureur n'est pas une « autorité judiciaire » en raison de ses liens avec le pouvoir politique. Dans un rapport, adopté le 23 juin, sur les « allégations d'utilisation abusive du système judiciaire répressif, motivée par des considérations politiques » dont une partie est consacrée à la France, le Conseil de l'Europe préconise de « renforcer l'indépendance des procureurs » et de « rétablir une majorité de juges et de procureurs au sein du Conseil supérieur de la magistrature ».
Tout cela en contradiction totale avec les projets du nouveau gouvernement. Il ne faut pas compter sur Michèle Alliot-Marie, nouveau ministre de la justice, souple comme un verre de lampe, pour contredire le président sur le rôle et la discipline qu'il attend des procureurs. Le conseil de l'Europe doit à son tour taper du poing sur la table pour faire entendre la voix du bon sens. Et du bon droit.
(1) Le compte rendu de la réunion du CSM relate la mutation de Marc Robert dans le sens voulu par le gouvernement. Ce qui est manifestement contraire à la vérité.