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La fable et le président

Publié le 26 juin 2009 par H16
Une bonne information, un bon gros buzz des familles, c'est comme un bon ragoût : il faut du temps pour arriver au point de cuisson optimal qui permet à tout le fumet de se dégager dans toute sa puissance. Actuellement est en train de mijoter un magnifique lièvre aux pruneaux : goûtu et bien poivré, il promet cependant aux politiques une digestion difficile. Depuis quelques jours enfle en effet une sombre affaire de corruption et la République Française prend à nouveau des tournures de bananeraie... Au départ, le lièvre se présente comme assez petit, mal fichu et pour tout dire, pas très charnu. Le Président Sarkozy, face à l'animal, se contente d'un vague haussement d'épaule et qualifie toute l'histoire de ... fable.

Pour résumer, il semblerait que des commissions occultes aient été versées pour des sous-marins achetés par le Pakistan. Jusque là, c'est la routine, me direz-vous : à chaque marché d'armement en France correspond une gabegie côté français, une grosse commission occulte côté acheteur et plein de petits secrets nauséabonds côté Intelligence Politique dans les deux camps.
Et là, le lièvre grossit d'un coup : la banalité s'arrête au moment où le chef de l'État d'alors, Jacques C., multi-récidiviste, décide d'arrêter le versement de ces bakchichs puisque ceux-ci alimenteraient les caisses de son rival d'alors, Balladur. Ici, on se rappellera qu'à l'époque, Sarkozy est directeur de campagne du challenger de Chirac. Action / Réaction et paf dans le museau : un bus explose en tuant plusieurs ingénieurs français qui travaillaient au Pakistan à ce moment là. Eh oui : si les rétro-commissions semblent empochées par le clan Balladur, les commissions sont elles encaissées par les militaires pakistanais qui n'entendent pas faire les frais des restrictions budgétaires chiraquiennes.
D'ores et déjà, on sait qu'on a perdu pas mal de lecteurs ici : l'affaire est compliquée. La presse écrite, pas au mieux de sa forme, sent confusément qu'elle va avoir du mal à bien expliquer tout ça, sauf à recourir à des petits dessins, des maquettes et le tableau Velleda de Jean-Claude Bourret. Si l'on ajoute que le frétillant directeur de campagne du perdant est maintenant le président de tout le bazar, dont une des fonctions est d'assurer les subventions aux médias traditionnels, on comprend la circonspection mêlée de distance avec laquelle les journalistes s'emparent de la nouvelle.
Bref. C'est donc avec une mollesse quasi-estivale que le ragoût s'est mis en place et qu'il mijote doucement. Pendant que les journaux télés utilisent les vieilles marmites en fonte et le four à bois, sur Internet, on a branché les plaques à induction et la cocotte-minute. Ça bulloie franchement.
Comme on pouvait s'y attendre, ce sont les sites traditionnellement classés à gauche qui s'empressent de bondir sur le méchant kyste qui s'installe dans la fesse sarkozienne : après tout, ce qui enquiquine furieusement le président les réjouit. Mais force est de constater qu'ils ont raison : l'affaire est bien plus grosse que ce que la presse traditionnelle en dit.
Pour tout dire, cela ressemble même à un joli Karachigate et le buzz qui s'installe sur la toile va donner bien du fil à retordre aux services de presse de l'Elysée pour tenter de calmer le jeu. On pourra s'en convaincre assez facilement en lisant les articles documentés de Plume De Presse.
Suppositoire sarkozien
Le prochain suppo pour Sarko. Un petit mauvais moment à passer.
Cependant, je m'en voudrais de m'arrêter là.
En effet, l'affaire en elle-même constitue une source quasiment inépuisable de rebondissements, tant au niveau de l'enquête que de ses ramifications et de toutes les manœuvres politiciennes, les étouffements possibles et avérés qui vont se mettre en place, les menaces ouvertes ou voilées qui seront proférées. Mais elle est aussi une démonstration cinglante de la veulerie de nos dirigeants.
Comme le rappelle fort à propos Aurel dans son dernier article, le financement de la vie politique française est en soi un karachigate d'un gabarit olympique. A côté des tuyauteries politico-financières françaises, soyons clairs, bien des scandales anglo-saxons pâlissent et ne doivent leur retentissement mondial qu'à la médiatisation vigoureuse dont les médias sont, là-bas, friands. Chez nous, la partie émergée de l'iceberg est si modeste qu'elle passerait pour un glaçon de cocktail dans une soirée élyséenne, alors qu'en réalité, des banquises de taille départementale glissent lentement sous le niveau paisible d'une mer d'huile médiatique.
Il ne se passe finalement pas une année sans qu'un lièvre mammouth laineux ne soit levé au détour d'un petit chemin ombragé ou, plus précisément, dès qu'une élection se profile ou vient de se terminer. La concomitance de Rendez-Vous Citoyens (musique, svp) et d'affaires louches est pour le moins troublante, mais vient en tout cas favoriser la thèse selon laquelle nos élus ne carburent finalement qu'à ce genre d'entourloupes.
Tous pourris ? Allez savoir.
On en vient en tout cas à se demander pourquoi la vie politique attire tant de monde, au point que certaines élections présentent tant de candidats que la vache à lait l'électeur ne sait plus où donner du bulletin et de l'impôt. On peut aussi rester dubitatif devant l'opulence dans laquelle vivent les représentants du peuple, opulence qui d'ailleurs perdure bien après leurs mandats. Et on peut aussi s'interroger sur l'origine des patrimoines des leaders politiques alors que ceux-ci n'ont jamais travaillé que pour l'Etat et que ce dernier a des grilles de salaires connues qui ne permettent pas, même de loin, d'aborder les montants joufflus des comptes en banque officiels de nos augustes représentants. On frémit de plaisir rien qu'en imaginant les coquettes sommes dissimulées à droite ou à gauche, dans ces paradis fiscaux que chacun dénonce et qu'ils sont pourtant les premiers à utiliser et qui sont autant d'affaires croustillantes en puissance.
Quoiqu'il en soit, le chat est maintenant sorti du sac. Le Karachigate semble en voie de métastase. On attend avec amusement la chimio prodiguée par la presse officielle pour mesurer l'état d'avancement de la maladie.

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