Pourquoi les entreprises ne sont-elles pas plus innovantes ? Pourquoi ne sont-elles pas plus collaboratives ? Les directions d’entreprise s’arrachent les cheveux sur ces questions depuis des décennies. Elles apportent leurs réponses comme elles peuvent. C’est à dire souvent maladroitement ou de façon trop directive.
Puis, récemment, a surgi ce phénomène des plates-formes sociales en ligne. Tout à coup, ce qui empêchait les individus de se retrouver spontanément, de passer outre le compartimentage par département, d’échanger des idées indépendamment de leur niveau hiérarchique semblait disparaître.
Certes, une minorité d’entreprises, à ce jour, certainement en Europe, ont adopté le principe, par exemple, de l’intranet social au sein de leur organisation. Mais la réflexion et le mouvement gagnent du terrain. Au niveau des prestataires et éditeurs logiciels, déjà. Ils adaptent leurs offres. En France, la société informatique Dassault Systemes, qui applique en interne depuis plusieurs années l’esprit de l’entreprise 2.0, vient, voici quelques jours, de franchir un cap supplémentaire en montant, avec d’autres investisseurs, dans le capital de Blue Kiwi. Blue Kiwi développe des outils collaboratifs pour entreprise (voir conversation avec Jean-Marc Bellot).
Les outils 2.0 ne suffisent pas. Un mode de management 2.0 est indispensable
Très bien. Les écueils restent toutefois volumineux. L’entreprise totalement ouverte, collaborative, où l’information circule librement, sans contrainte ni censure, tient encore de la gageure. La culture d’entreprise doit être prête, bien sûr, à la collaboration entre les individus. Mais pas seulement. Ecoutons, à ce tire, Rob Cross, un professeur à l’université de Virginie, interrogé cette semaine par le Financial Times. Ce dernier met en garde contre le risque de brouhaha sur les réseaux sociaux (surtout ?) internes.
“Bien sûr, la mentalité des silos doit s’effacer pour autoriser une communication interne efficace. Mais une discipline managériale est également nécessaire. Etendre des réseaux tentaculaires sur lesquels tout le monde est le bienvenu produira, sans doute, peu d’idées pratiques. Au contraire, il peut en résulter une plus grande confusion. Car, sur ces plates-formes, la qualité des personnes compte plus que leur quantité (…) Certains individus ne participent que pour faire leur auto-promotion. Ces derniers ne génèrent alors que du bruit, peu ou pas contructif“
Parmi les utilisateurs d’un réseau social interne, Rob Cross distingue les “véritables créateurs de valeur“, des autres. Certains membres de l’entreprise se comporteront sur le réseau comme il le font physiquement. Ils seront simplement loyaux, platement fidèles à la culture d’entreprise. Ils apporteront peu d’esprit neuf. D’autres risquent de se comporter en “tueurs d’idées” (Idea killers).
“Vous les verrez [ces véritables créateurs de valeur sur le réseau] bouger de gauche à droite, sans considération pour l’organigramme hiérarchique, nouant des connexions, piaffant après une information utile et la transformant en quelque chose de valeur”.
Ils seront le vrai stimulant de l’entreprise. Il faut leur permettre de s’exprimer et de bouger, sans risque d’être contrecarrés systématiquement.
Sensibiliser les “gatekeepers”
Les outils ne sont qu’une partie de la solution. On s’en douterait. Il n’est pas inutile de le rappeler. Un accompagnement intelligent pourra garantir de meilleures chances de succès de métamorphoser une organisation statique et peu imaginative en bouillonnement d’idées et d’échange entre personnes motivées.
Il convient toute d’être attentif au rôle et à l’attitude de chacun, notammentcelle de ce que Rob Cross appelle les “gatekeepers”, soit des personnes qui détiennent une parcelle de contrôle ou de décision à un endroit ou l’autre de l’entreprise. Ils doivent être sensibilisés à la nécessité de collaborer.
“Vous pouvez munir tout le monde d’un kit de communication hyper performant à l’instar nouveau service Google Wave, qui combine toutes les dernières solutions en termes de communication et de réseaux sociaux. Si les personnes les plus contributives, les vrais créateurs de réseaux sont brimés par des contrôleurs ou des managers démotivants, rien ne sortira des tentatives visant à accroître la collaboration interne”, conclut-il