Au printemps obscur, enflammé, peinture de ténèbres,
succomba, perdue et foudroyée, les boues au cœur,
l’encre à la bouche, la tête noire, parmi les feuilles,
le feuillage déchiré entre les entrailles,
la pourriture répandue sur le pré, la fontaine déjà
blanche, colorée, pleine de lune, d’ordure, fabrique
odorante, abîme aux fleurs, vie succomba, celle qui,
m’offrant la tache de son sein, me colora, me plut,
me déchira, me répandit, se mêlant aux fumées,
au maïs, au ciel liquide.
Eugène Savitzkaya, Bufo bufo bufo éditions de Minuit, 1986, p. 15.
Comment vais-je mourir demain, par miracle,
aussi brusquement qu’apparu, dans un demi-souffle,
en puanteur commune, avec les roses sur le ventre
et délivré par une fée, né et mort
au même instant, dans l’articulation
de la phrase ?
Eugène Savitzkaya, Cochon farci, éditions de Minuit, 1996, p. 31.
Court stylet d’un lézard très mince comme le bleu furtif des yeux que je connais. Herbes vertes à perte de souffle et d’incendie léger sous les mains et les doigts (légers doigts de dés très doux sous les ongles de laque).
Où seront demain les chemins autour du lac ?
Et les oiseaux que tu nommes et que tu caches dans tes épaules ?
Cœur nid d’aventure. Nid de sang vif embrassé carnage herbu des cuisses et des bras fracassés de verre. Et les paroles anglaises quand tu planteras la plante de menthe ici même.
Te parler. Etc. dans le sable inondé. Dans ta douce (sereine ?) lucidité très sainte.
Eugène Savitzkaya et Jacques Izoard, Rue obscure, dans Mongolie plaine sale, L’Empire [Savitzkaya] et Rue Obscure éditions Labor, 1993 (éditions Atelier de l’Agneau, 1975), p. 127.
Il est possible que nous n’ayons aucun visage, mais que nous soyons tous porteurs de masques. Et il semble que c’est pour cette raison que nous paraissons si différents les uns des autres. Il suffit parfois de malmener très légèrement notre face d’apparat pour que déteigne sur la peau la silhouette intime et vénérable qui est notre représentation cachée et essentielle, l’authentique habitant.
Je conserve, à jamais, très précieusement, ma tête de mort. Elle est ma tête de mort, ce que je cache le mieux et avec le plus de soin et aussi ce qui apparaît avec le plus de netteté au grand jour du soleil. Ma tête de mort si fraîche est la seule chicane.
Eugène Savitzkaya, Rules of solitude, avec une trad. en anglais par Gian Lombardo, Quale Press, 2004, auparavant Les Règles de solitude ont été publiée en édition bilingue français/allemand, Edition Solitude, Stuttgart, 2004.
Contribution de Tristan Hordé
Bio-bibliographie de Eugène Savitzkaya
index
de Poezibao
Revenir à la Une de Poezibao
Sur simple demande à f.trocme@poezibao.com, recevez chaque jour l'anthologie permanente dans votre boîte aux lettres électronique