Non non, je ne suis pas SDF! Je ne fais pas la manche! Y a erreur...

Petite anecdote drôle qui prend un sens particulier au moment où les SDF font (enfin!) la une. D'autant que je connais des SDF en fauteuil roulant... (NO COMMENT...)
Je vous campe le décor: nous sommes en 2000, je me rends à un RDV de médecine préventive située dans le quartier étudiant de ma ville. Après le toubib, j'ai 2 heures devant moi avant de rentrer, et j'en profite pour me replonger dans l'ambiance de fac. Je retourne dans les boutiques de fournitures scolaires pour y dénicher un sac à dos pour mon fauteuil roulant, je fais des photocopies etc... Le quartier a changé depuis mes années fac. Plus bigarré. L'esprit estudiantin y est plus dilué. Dommage. J'ai dit "dilué"? Ben bravo: il commence à pleuvoir! Des cordes! Puis, un déluge! A "handicap+2 années", je n'ai pas encore pensé à m'équiper d'une cape anti-pluie spéciale fauteuil. Diantre. J'vais me faire saucer!!! "Saucer"... C'est LE mot! J'ai faim et déniche un snack où je m'empresse de commander un döner pour me réchauffer la panse et en guise de repas de midi. Reste à trouver un abri (le restau étudiants est plein, et peu accessible en fauteuil). J'improvise en me plaçant sous le porche d'un immeuble tout proche. Le vent s'y engouffre, mais je suis à l'abri de la pluie (qui m'a déjà trempée jusqu'aux os!), c'est déjà ça.
Je déguste avec délectation mon sandwich, observant avec un intérêt amusé les passants qui courent "entre les gouttes". Soudain un "papy" passe devant moi, me jette un regard, continue sa route. Et le voilà qui se ravise, revient sur ses pas et... Me fixe, l'air hébété. (Je me dis "Pfff, encore un qui n'a pas l'habitude de voir des handis! Bon, je lui sourirais bien, mais j'ai la bouche pleine là, une rondelle d'oignon dépasse presque de ma bouche, un lambeau de salade coince entre 2 dents, c'est pas glamour, et je vais lui faire peur!") Avant que je puisse avoir une quelconque réaction, il me tend quelques pièces!!!
Oups! Mince alors, il m'a prise pour une SDF! (pas un problème en soi, mais bon, y a erreur, je ne veux pas le priver de son argent, j'ai un métier, je bosse, je gagne bien ma vie, moi, même handicapée!)
Avec un grand sourire (bouchée de döner avalée gloups!), je refuse: "Merci, c'est très gentil, mais je ne fais pas la manche, je suis juste trempée et ne peux pas manger et me déplacer en même temps, alors je stationne ici" Il insiste, encore et encore. Ca devient cocasse. Je suis consciente que je dois avoir une tête de méduse, avec mes cheveux battus par le vent et collés au travers de mon visage par la pluie battante, mon regard hagard car j'ai froid. Finalement je me range à son avis: mon aspect (et non mon handicap!) vaut une petite compensation! Et puis il a un argument qui tue "Mais SI, ça me fait plaisir! Prenez!"
Franchement, qui suis-je pour briser le coeur d'un gentil papy au grand coeur?
J'ai donc accepté son argent, ce qui a illuminé son visage. Il est reparti, visiblement content de lui (ça m'a émue!) en se retournant pour me faire un sourire et un dernier petit signe de la main.
Quant à moi, mon sandwich dévoré, j'ai été m'acheter une boisson et un dessert, avec les sous et à la santé de mon papy bienfaiteur!

*Première parution le 17 janvier 2007.