Je ne sais si nous aurons autant d’épisodes et de rebondissements, révélations à la clef qu’en l’été 1985, s’agissant de l’affaire du Rainbow Warrior en Nouvelle-Zélande. A l’époque, j’avais passé une dizaine de jours près de Montrichard où j’allais tous les matins acheter Le Monde pour y trouver ma ration de nouvelles péripéties truffées de «mensonges d’Etat» aussi grotesques les uns que les autres. Pour se rafraîchir la mémoire ou découvrir cette affaire, je ne peux que conseiller la fiche que Wikipedia lui consacre.
Plus les éléments s’amoncellent, moins l’hypothèse d’une «fable» - Nicolas Sarkozy dixit – est crédible. Pas plus qu’il ait pu n’être pas au courant. Fidèle lieutenant d’Edouard Balladur - à qui les rétro-commissions auraient été destinées pour le financement de sa campagne électorale - et qui plus est, non seulement ministre du Budget dans son gouvernement mais également son porte-parole et le directeur de sa campagne électorale. A qui fera-t-on croire qu’ils ne connaissaient pas l’existence de ces rétro-commissions ?
Dernier épisode en date : un juge d’instruction bien peu curieux ! Ou selon l’article de Libération : Karachi, les curieux oublis de la justice. Où vous apprendrez que la direction de la DCN – qui avait construit les sous-marins vendus au Pakistan – avait très rapidement fait le lien entre l’attentat à la voiture piégée et le non versement des commissions. Au point que le 2 septembre 2002, Philippe Japiot, patron de la branche internationale du groupe, écrit au juge Jean-Louis Bruguière pour que sa société se constitue partie civile, et notamment : «C’est parce que DCN-International a conclu et mené à bien le contrat du 21 septembre 1994 que des personnels ont été pris pour cible».
L’article rappelant opportunément qu’à l’époque la DCN était une émanation directe du ministère français de la Défense, alors sous la tutelle de Michèle Alliot-Marie… aujourd’hui ministre de la Justice. Tout cela risque de donner un sacré rififi Place Vendôme !
Philippe Japiot a transmis au juge Bruguière un exemplaire du contrat indiquant l’existence des commissions (clause 47). Certes, la clause 46 qui la précédait avait été supprimée. Mais le juge pouvait parfaitement exiger une copie intégrale du contrat. Ce qu’il n’a pas fait…
Par ailleurs, le procureur Michel Debacq, en charge du pôle antiterroriste de Paris, qui mènait l’enquête au consulat de France de Karachi, a reçu Randall Bennet, enquêteur américain qui confirma que le mobile serait à rechercher dans la coopération bilatérale pour la vente et la construction des sous-marins.
Les éléments recueillis lors de cette enquête seront annulés pour vice de procédure (incompétence territo-riale) à l’exception d’un courriel, émanant d’un adjoint de Bennet, qui sera versé au dossier.
Pourtant, les éléments en faveur du lien entre l’attentat et les contrats portant sur la construction et la vente de sous-marin ne manquaient pas.
Au Pakistan, des hauts responsables de l’Etat-major sont lourdement condamnés précisément pour avoir perçu ces commissions et en France un magistrat de la Commission de discipline budgétaire obtient le 6 juin 2002 de la Commission consultative du secret de la défense nationale l’accord pour la déclassification des comptes rendus – alors couverts par le «secret défense» - de réunions tenues à Matignon (sous le gouvernement d’Edouard Balladur, dont le ministre du Budget était Nicolas Sarkozy) entre le 2 juillet 1993 et le 2 septembre 1994 et portant sur les volets financiers de la vente des sous-marins…
C’est dire que les magistrats en charge du dossier pénal de cette affaire avaient – depuis 2002 ! - tout loisir pour accéder à ces pièces et orienter leur enquête différemment ! Ce que font aujourd’hui les juges Yves Jannier et Marc Trévidic, qui remplacent Jean-Louis Bruguière.
On rappellera que le juge Bruguière a quitté la magistrature pour s’engager en politique aux côtés de… l’UMP et qu’il s’est notamment présenté en 2007 aux élections législatives sous l’étiquette UMP, comme le rappelle Napakatbra des «mots ont un sens» dans un article qui résume rigoureusement l’affaire : Attentat de Karachi : de la fable au scandale d’Etat»
A lire également chez Juan de Sarkofrance : ce que l’on sait de l’affaire Karachi ainsi qu’une vidéo mise en ligne par Seb Musset (les jours et l’ennui) Ne pas lâcher Karachi, ce qui est d’ailleurs le mot d’ordre des left blogs…
Vous trouverez chez Juan un commentaire intéressant concernant Patrick Ouart, lequel est à l’origine de la future (?) suppression du juge d’instruction dont la liberté d’investigation est si gênante… Je ne peux m’empêcher de l’associer à un article que je viens de lire sur le NouvelObs : inquiétude autour de l’extension du secret défense, réforme prévue par la loi de programmation militaire…
Le «système-Sarkozy» est l’antithèse absolue de la «transparence» qui est pourtant une exigence démocra-tique fondamentale. Le Prince-résident (à l’Elysée) aurait-il l’idée d’utiliser la «grande muette» pour lui faire jouer le même rôle que jadis Napoléon (18 brumaire) ou son neveu (2 décembre 1848) ?
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