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The Hazards of Love, cinquième opus des Decemberists, cinq américains au folk progressif fantaisiste hors du commun, est un véritable opéra. On est habitués : en 2006, ils nous avaient impressionné avec The Crane Wife, une perle folk aux mille saveurs. The Hazards of Love, du haut de ses dix-sept pistes, conte l'histoire de Margaret et de son amant William, un vagabond des bois. Quand Margaret découvre qu'elle est enceinte, elle part à la recherche de William. La reine de la forêt, jalouse de cet amour, fait tout pour entraver sa route. Contrairement à The Crane Wife, les pistes ne dépassent pas les six minutes, et l'album joue dans la continuité : aucun intervalle ne sépare les morceaux, et tout s'enchaîne avec une fluidité étonnante.
Prelude, vrombissement aux harmonies lentes d'un orgue électrique, introduit ce long voyage. Le titre principal, The Hazards of Love, est divisé en quatre parties. Le refrain est récurrent, mais les thèmes très variés et, par la même occasion, plaisants. The Hazards of Love 1 (The Prettiest Whistles Won't Wrestle the Thistles Undone) nous fait découvrir une guitare folk tonique et précise, et une voix reconnaissable parmi tant d'autres : celle de Colin Meloy, chanteur principal du groupe, qui interprète ici le personnage de William. Le deuxième épisode, The Hazards of Love 2 (Wager All), est un morceau apaisant, avec des accords folk mystérieux à la sauce Led Zeppelin et des percussions douces. Cet hymne de passion prend beaucoup d'ampleur sur The Hazards of Love 3 (Revenge!), où des instrumentations magiques et dansantes accompagnent des chœurs d'enfants innocents : c'est joyeux et léger. La finale, The Hazards of Love 4 (The Drowned), resplendit de ses mélodies (parfois très Pink Floyd) et de sa douceur subtile.
La formation de l'album au complet, dans un univers étrange.
Le personnage de William chante également seul dans The Rake's Song, bel hymne énergique aux deux accords infatigables, et Annan Water, folk d'une pureté cristalline se terminant sur des harmonies de prières illuminées. Du côté obscur, A Bower Scene, vibration patiente de basses qui éclate en riffs électriques surpuissants, introduit un thème à l'allure très grave qui se répète dans The Abduction of Margaret. Les riffs se libèrent sur The Queen's Rebuke/The Crossing, où la voix très imposante de Shara Worden (My Brightest Diamond) fait trembler les esprits de la forêt : elle incarne la reine diabolique. Vous aurez le plaisir de savourer, dans la seconde partie du morceau, des riffs très Deep Purple, avec les synthés qui correspondent ; ce rock rétro se glisse parfaitement dans cet univers folk, grâce à des transitions très travaillées. Shara Worden excelle également sur The Wanting Comes in Waves/Repaid : William chante les choeurs épiques et les belles mélodies accompagnées de clavecin dans la première partie, et la reine prend le relais en se pavanant sur un séisme de gimmicks électriques. Il faut noter que The Wanting Comes in Waves (Reprise), en avant-dernière piste, est une suite resplendissante au morceau.
Vous trouverez avec plaisir des petits interludes, du frissonnant An Interlude au plus austère The Queen's Approach, qui introduit Isn't it a Lovely Night?, très belle ballade avec guitare folk et accordéon, qui dévoile la voix splendide de Becky Stark, chanteuse du groupe Lavender Diamond. Elle interprète le personnage de Margaret, la pauvre fille enceinte à la recherche de son amour de toujours. Ce chant doux et féminin est rejoint par la voix de Colin Meloy : un duo décontractant à la douceur d'une nuit d'été. On retrouve le personnage de Margaret dans Won't Want for Love (Margaret in the Taiga), titre jazzy qui tire profit de la puissance émotionnelle d'une telle voix. Enfin, ses cris retentissent dans Margaret in Captivity, où William tente de la sauver des griffes de la reine. William et Margaret finissent par se noyer dans l'océan, où les vagues crient de rage. Une fin émouvante : ils s'aimeront pour toujours, unis par la mer, et plus jamais leur amour ne sera compromis. Je pleure.
Les plus :
- Un lyrisme d'une puissance divine pour un magnifique conte d'amour.
- Mille surprises vous attendent, une finesse musicale sans pareille.
Les moins :
- Un rock incongru.
- La voix de Colin Meloy peut irriter.
Verdict : The Decemberists sont de véritables troubadours des temps modernes. Leurs contes médiévaux, qui resplendissent de beauté fantaisiste, se mêlent à des accompagnements d'une richesse et d'une variété étonnante. The Hazards of Love est un incontournable : ce style de folk progressif assez unique est quelque chose à découvrir. Absolument.
8/10
1. Prelude
2.The Hazards of Love 1 (The Prettiest Whistles Won't Wrestle the Thistles Undone)
3. A Bower Scene
4. Won't Want for Love (Margaret in the Taiga)
5. The Hazards of Love 2 (Wager All)
6. The Queen's Approach
7. Isn't it a Lovely Night?
8. The Wanting Comes in Waves/Repaid
9. An Interlude
10. The Rake's Song
11. The Abduction of Margaret
12. The Queen's Rebuke/The Crossing
13. Annan Water
14. Margaret in Captivity
15. The Hazards of Love 3 (Revenge!)
16. The Wanting Comes in Waves (Reprise)
17. The Hazards of Love 4 (The Drowned)
The Decemberists - The Hazards of Love [Capitol]
24 Mars 2009
The Hazards of Love 1 (The Prettiest Whistles Won't Wrestle the Thistles Undone)
Isn't it a Lovely Night?
The Wanting Comes in Waves/Repaid
The Hazards of Love 3 (Revenge!)
The Hazards of Love 4 (The Drowned)