Traitements biologiques des déchets ménagers

Publié le 07 mars 2007 par Pierre Cuzon

Traitements biologiques
des déchets ménagers


Jeudi 4 mai à 20 h 30 au Café des Sports à Saint Thégonnec


Intervenants

Patrick Dabert : chargé de Recherche de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) en détachement au Cemagref de Rennes depuis 2005 au sein de l'unité de recherche "Traitement biologique et gestion environnementale des déchets". Microbiologiste et Biologiste moléculaire, travaille à la caractérisation des communautés microbiennes actives dans les processus de transformation des déchets, boues activées, effluents agro-alimentaires et effluents d'élevages. patrick.dabert@cemagref.fr

Pascal Mallard : ingénieur du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche (ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts) mis à disposition du Cemagref depuis 1999 au sein de l'unité de recherche "Traitement biologique et gestion environnementale des déchets". Animateur au sein de l'établissement du thème de recherche "Déchets solides". Compétence personnelle en évaluation des impacts environnementaux liés au traitement biologique des déchets. pascal.mallard@cemagref.fr

Cemagref de Rennes
Les intervenants sont de l'Unité "GERE" (Gestion environnementale et traitement biologique des déchets).

Gestion des déchets ménagers, traitements biologiques
et risques sanitaires et environnementaux

De la collecte (quand elle avait lieu) et de l’épandage des « gadoues », ou de la mise en dépôt et du brûlage des ordures ménagères, à la collecte sélective et aux conditions de traitement actuelles, la gestion des déchets ménagers s’est considérablement complexifiée et modernisée ces dernières décennies. Il s’agit désormais, non seulement d’évacuer les déchets produits et de les éliminer, mais aussi de le faire dans des conditions « soutenables » pour l’environnement humain et naturel. Dans cette exigence, les procédés se sont perfectionnés, les filières de traitement se sont multipliées afin que chaque catégorie de déchet soit gérée au mieux. La gestion des déchets est ainsi devenue un champ d’étude et de recherche à part entière sur le plan aussi bien technique qu’environnemental, sanitaire, économique et social.

La production des déchets ménagers en France est de l’ordre de 1 kg par habitant et par jour. Les déchets issus de la maison sont composés d’environ 45 % de déchets recyclables (papiers, emballages, verre) dont une partie est captée par la collecte sélective, de 20 % de déchets putrescibles (cuisine, jardin), et de 35 % de divers autres déchets (plastiques non recyclables, papiers souillés ou couches, « déchets fins »...). Il faut y ajouter les déchets encombrants des ménages (déchets verts, déblais et gravats, ferrailles…), collectés le plus souvent en déchèterie, qui représentent en gros un tiers du total collecté (soit la moitié des déchets de la maison). Ces chiffres varient d’une collectivité à l’autre mais les ordres de grandeur restent les mêmes. En 2002, le recyclage a concerné 8 % de ces déchets ; 6 % ont été compostés, dont deux tiers de déchets verts et un tiers d’ordures ménagères ; le restant a été incinéré ou mis en installation de stockage, à parts égales.

Parmi les différents modes de traitement, les procédés biologiques tels que le compostage, la méthanisation (procédé marginalement employé en France à ce jour pour les déchets ménagers) et le stockage ont ceci en commun qu’ils sont basés sur des phénomènes de biodégradation et sur le contrôle de ces phénomènes. Même s'ils impliquent tous la mise en œuvre de communautés microbiennes complexes, leurs objectifs sont différents : dans le cas du compostage, il s’agit de favoriser la biodégradation aérobie (en présence d’air) du déchet afin d’obtenir un produit stabilisé donc plus facilement utilisable, et de provoquer une montée en température durant le traitement permettant de détruire les éventuels germes pathogènes et graines de plantes indésirables. Les micro-organismes impliqués sont majoritairement des champignons. La biodégradation, dans le cas de la méthanisation et des installations de stockage de déchets, se fait au contraire en l’absence d’air, ce qui favorise la production de méthane, lequel sert ensuite à la production de chaleur ou d’électricité ou comme carburant. Dans ce type de procédé les micro-organismes impliqués ont principalement des bactéries fermentaires et méthanogènes. Le produit issu de la méthanisation (méthanisat ou digestat) est généralement composté car non utilisable en l’état. Enfin, dans le cas du stockage, il s’agit surtout de limiter et maîtriser les sorties du système : lixiviats d’une part (le « jus » des déchets), biogaz d’autre part. Dans ce but, une étanchéité est assurée en fond d’installation et en couverture des déchets stockés, et l’on essaye de limiter la biodégradabilité des déchets admis, parfois à l’aide d’un prétraitement (pré-compostage, souvent). Une autre option consiste au contraire à favoriser la biodégradation des déchets stockés afin d’accélérer leur stabilisation, ce qui revient à considérer la décharge comme un « bioréacteur » de méthanisation.

Dans les trois cas, le traitement des déchets et leur biodégradation sont à l’origine de rejets gazeux et liquides, potentiellement facteurs d’impact environnemental et sanitaire. Ces effets peuvent être locaux (pollution de l’eau, travailleurs, riverains…) ou délocalisés (gaz à effet de serre, épandage du compost…). Souvent, l’impact le plus significatif et perceptible est celui des odeurs, qui pose un réel problème d’insertion des centres de traitement dans leur environnement humain. L'impact des risques "invisibles" (gaz à effet de serre, risque biologique) est plus difficile à évaluer car il dépend du type, du volume et de la concentration du rejet considéré, de sa capacité à persister et à se répandre dans l'environnement et de sa probabilité de contact avec la population. D’autres impacts des installations, que nous ne développerons pas ici, sont liés davantage à leur exploitation qu’à la transformation proprement dite du déchet : bruit, poussières, envols, circulation des camions… La connaissance et la maîtrise de ces différents impacts et risques potentiels font l’objet de travaux de recherche, qui tendent à devenir d’autant plus pointus que les niveaux de risque et d’impact sont faibles et que la marge d’amélioration technique se réduit. La réglementation et les pratiques évoluent en conséquence, de même que le niveau d’exigence social. De fait, les installations de stockage et d’incinération aux normes actuelles n’ont plus grand chose à voir avec les dépôts bruts et petits « fours » du passé. De même, les plus récentes usines de tri-compostage produisent des composts de bien meilleure qualité qu’auparavant.

Pour autant, les impacts environnementaux et sanitaires potentiels des installations font partie des critères que l’autorité responsable (la collectivité) doit prendre en compte, au même titre que bien d’autres critères d’ordre technique, économique ou social, dans la conception de son système de gestion des déchets. C’est ce que l’on appelle la « gestion intégrée » des déchets qui est, avec la prévention de la production et de la nocivité des déchets, l’un des axes forts de la politique française et européenne dans ce domaine. L’idée est non plus de déterminer a priori « le » bon mode de traitement des déchets, mais de configurer au mieux l’ensemble du système de gestion des déchets en fonction des objectifs de la collectivité et du contexte local (densité d’habitat, agriculture…). Pour cela, les outils d’aide à la décision, intégrant l’évaluation des différentes solutions envisagées selon les multiples critères à considérer (dont les critères sanitaires et environnementaux), restent encore largement à construire.

Le Télégramme du 7 mai 2006 , page de Morlaix
Propos recueillis par Boris Ivanoff

Traitements des déchets : « Aucun procédé n’est parfait »

Chargé de recherches en micro biologie dans le domaine du traitement des déchets, Patrick Dabert est intervenu, jeudi dernier, au Café des sciences, du Conseil du développement du pays de Morlaix. Méthanisation, oxydation ou traitement chimique, aucun système ne garantit à 100 %, la préservation de la nature.

Dans le pays de Morlaix, la question du traitement des déchets oppose actuellement des groupes d'opinions et des industriels. Votre interven­tion a-t-elle fait pencher la balance d'un côté ou de l'autre ?

Justement non. La conférence qui s'est tenue, jeudi dernier à Saint-Thégonnec, n'avait d'autre ambi­tion que de présenter le traitement des déchets dans son ensemble. Nous avons ainsi orienté nos pro­pos sur les volumes, les différents types de déchets et les grands axes de leur traitement.

L'objectif des Cafés des scien­ces est d'offrir au public les clés de la connaissance et de la compré­hension. Il ne s'agit pas d'entrer dans une quelconque polémique. Le traitement des déchets induit, aujourd'hui, des problèmes d'ordre communautaire. Tout le monde s'intéresse au sujet, mais personne ne veut de déchèterie.

Une délégation du comité de sauvegarde du patrimoine de Plourin vous a fait part de ses inquiétudes quant au projet d'écométhaniseur envisagé sur le territoire de la commu­ne. Quelle est votre opinion sur ce procédé ?

Nous n'avons pas réellement abor­dé ce projet d'écométhaniseur et à vrai dire, je n'en connais pas les tenants et les aboutissants. Le système de la méthanisation fait, en revanche, l'objet de quel­ques études, au sein de mon service. D'après les premiers résultats, cela constituerait une option inté­ressante. Il conviendrait ainsi de relancer les expérimentations menées au milieu_ des années 1980. Elles avaient été abandon­nées par manque d'efficacité, notamment dans le traitement des ordures ménagères.

Les avancées technologiques per­mettraient, aujourd'hui, un bien meilleur rendement.

La chaleur engendrée par la métha­nisation constitue, en outre, une alternative non négligeable aux ressources énergétiques tradition­nelles, comme le pétrole.

Reste que cette méthanisation n'est a priori fiable que si elle est pratiquée dans une enceinte entiè­rement close.

Existe-t-il aujourd'hui, un sys­tème de traitement des déchets qui ne présentent aucun risque pour l'environne­ment ?

Malheureusement, non. Le volume de déchets à traiter impose une accélération artificielle du proces­sus ;de dégradation. Résultat, l'envi­ronnement en pâtit forcément. Que cela soit pour l'incinération ou des procédés naturels comme l'anaérobie ou le compostage, on cherche toujours le rendement maximum. En fin de compte, le pro­cédé miracle n'existe pas. La seule solution qui permettrait d'ôter tous les risques de pollution est la réduction de la production de déchets. En France et dans la plupart des pays d'Europe, elle est de 1 kg par habitant et par jour. Aux Etats-Unis, elle s'élève à 5 kg par habitant et par jour. Et les Euro­péens sont pourtant loin d'être les champions de l'éco emballage. Toutes les technologies du monde ne suffiront pas à donner à la natu­re les moyens d'absorber tout cela.

« Le Télégramme » du 29 avril 2006

Déchets ménagers : s’informer pour dépasser la polémique

Après « Le cancer et son environnement », « Les virus de la grippe aviaire ou encore « Les OGM et la citoyenneté », c'est « Le traitement des déchets bio­logiques » qui sera le thè­me de la prochaine confé­rence des cafés des scien­ces du Pays de Morlaix. Sujet d'actualité sur lequel deux chercheurs viendront débattre au café-bar des Sports de Saint-Thégonnec, jeudi, à partir de 20 h 30.

Pour traiter de ce sujet d'une actua­lité brûlante, Jean-Yves Chalm, pré­sident du conseil de développe­ment du Pays de Morlaix, Robert Bellé, chercheur à la station biolo­gique de Roscoff et Pierre Cuzon, retraité, ont fait appel à deux spé­cialistes du traitement des déchets :

Patrick Dabert et Pascal Mallard.

Le premier, chargé de recherche à l'Inra, est spécialiste du traitement biologique et de la gestion environ­nementale des déchets. Biologiste de formation, il travaille spécifiquement sur les microbes dans le processus de transfert des déchets, boues et effluents agroali­mentaires et d'élevage.

Le second est ingénieur au ministè­re de l'Agriculture et de la Pêche et travaille sensiblement sur le même sujet axé toutefois vers les déchets solides.
« Faire taire les fausses rumeurs,.. »

Même si, sur certains aspects, le domaine peut fâcher, notamment sur l'installation de sites, l'objectif de cette conférence-débat n'est pas de polémiquer, loin s'en faut.

Le but premier, expliquent les organisateurs est de faire taire les fausses rumeurs, les on-dit que, les transmissions du bouche à oreille avec toutes les déformations qu'el­les entraînent et qui font parfois des dégâts par manque d'objectivité ». « La gestion des déchets, explique un des conférenciers, est devenue un champ d'études et de recherche à part entière sur le plan technique, environnemental, sani­taire, économique et social ». Et lorsque l'on sait que la production des seuls déchets ménagers en France est de l'ordre du kilo par habitant et par jour, soit à 22 mil­lions de tonnes à l'année, il y a de sérieuses raisons de se pencher sur le problème.

Les chercheurs feront donc un point sur les différents modes de traitement à l'étude et en applica­tion actuellement : compostage, méthanisation, stockage qui ont tous en commun d'être basés sur des phénomènes de biodégrada­tion.

Encore faut-il contrôler ces phéno­mènes car le traitement des déchets et leur biodégradation sont à l'origine de rejets gazeux et liquides qui ont un impact sur l'en­vironnement et la santé avec des pollutions locales ou des phénomè­nes de production de gaz à effet de serre.

Des mots qui jettent un froid quand on sait combien notre planè­te Terre est maltraitée par mécon­naissance, négligence voire malver­sation.

S'informer devient réelle­ment un devoir.

Quelques références complémentaires via Internet

« Impact sanitaire des installations de stockage de déchets ménagers et assimilés », sur le site du MEDD. http://www1.environnement.gouv.fr/article.php3?id_article=4017

« Stockage des déchets et santé publique », étude coordonnée par l’INVS. http://www.invs.sante.fr/publications/2005/dechets/index.html

« Etude bibliographique sur l'évaluation des risques liés aux bioaérosols générés par le compostage des déchets ». ADEME / CAREPS, 216 p. http://www1.environnement.gouv.fr/article.php3?id_article=2683

« Eléments pour la prise en compte des effets des unités de compostage de déchets sur la santé des populations riveraines ». MEDD / ENSP, 182 p. (en deux parties) http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/etud_impact/52_ei.htm

“Research: review of the environmental and health effects of waste management” (en anglais)

http://www.defra.gov.uk/environment/waste/research/health/