Martine Aubry lance une enquête qualitative d'opinion

Publié le 25 juin 2009 par Exprimeo
La surprise ne réside pas dans la réalisation d'une telle enquête mais dans la communication organisée par le PS à ce sujet. Cette décision prise et assumée par le PS est l'occasion d'un point global technique sur la place des enquêtes d'opinion dans la vie publique. Procéder à une enquête d'opinion c'est d'abord une preuve d'humilité. Cette démarche traduit la volonté de mieux connaître et mieux écouter autrui sans avoir la conviction inébranlable de connaître déjà ce qui est bon et nécessaire. C'est ensuite la garantie d'un sens du service au public. La bonne identification des attentes d'autrui est la meilleure façon pour parvenir à les satisfaire. C'est surtout le témoignage d'un pragmatisme qui est l'étape préalable de toute efficacité dans les circonstances actuelles. Une nouvelle citoyenneté est née. Cette nouvelle citoyenneté porte 5 caractéristiques qui sont autant de justificatifs à la mise en oeuvre d'enquêtes d'opinion. - 1er constat : le désir de citoyenneté est devenu moins fort. Le rejet de la vie politique est tel que la tentation du détachement est de plus en plus pressante. Ne pas connaître les attentes d'une opinion, c'est prendre le risque d'augmenter les incompréhensions et d'accroître les abstentions. - 2ème constat : l'indépendance d'esprit a pris le pas sur le prêt à penser des grands blocs politiques. Cette évolution est la marque de deux facteurs. La perte de légitimité des partis diminue d'autant leur audience et leur influence. C'est surtout le fruit d'une opinion qui a gagné en autonomie d'information, de réflexion, d'analyse. Ne pas connaître " son " opinion publique c'est s'en remettre à des considérations générales qui ont de grands risques d'être erronées. - 3ème constat : le citoyen est mort , vive l'individu. La notion de citoyenneté portait en elle une conception de dépassement de l'individu qui serait capable de s'extraire de ses considérations particulières pour penser d'abord aux intérêts de la Cité. Cette époque est finie. L'individu a pris le dessus sur le citoyen. Il faut accepter cette individualisation pour aller vers un langage qui corresponde à cette évolution fondamentale. - 4ème constat : le zapping s'accélère. Ce phénomène qui touche tous les secteurs de la vie collective dont la consommation quotidienne traduit la volonté d'optimiser ses gains personnels. Ce zapping peut être présenté ou perçu comme une forme préoccupante instabilité. Ce n'est pas le cas. C'est d'abord la recherche de l'optimisation des opportunités d'une vie. Cette évolution change totalement le positionnement du bilan. Les électeurs savent que ne pas reconduire une équipe n'équivaut pas à la disparition de ses dernières réalisations. Ces réalisations sont acquises une fois pour toutes. Si de nouvelles opportunités s'offrent à eux, ils les saisiront. - 5ème constat : d'abord le pouvoir de dire non. Un effort de pédagogie sera de plus en plus nécessaire pour éviter qu'une proposition ou qu'un élément ne devienne l'épouvantail qui fasse basculer l'élection en mobilisant d'abord les non. Ces 5 constats constituent autant de raisons de recourir régulièrement à des enquêtes d'opinions. Seules de telles méthodes permettent de suivre les changements, d'améliorer la réactivité, donc de rester à l'écoute de la population. Si l'enquête d'opinion est un outil de démocratie moderne, cela suppose aussi de la considérer comme d'abord un facteur d'analyses et non pas principalement comme un indicateur de résultats électoraux. Le résultat électoral c'est " l'arrivée en gare ". L'enquête d'opinion, c'est le choix de l'itinéraire, de l'ensemble du processus pour prendre le bon ticket pour arriver à la " bonne gare au bon moment ". Cette comparaison montre, si besoin était, l'utilité pratique des enquêtes d'opinions. Dans bon nombre de pays étrangers qui incarnent une logique d'efficacité, aucune équipe de campagne ou de communication n'est concevable sans une cellule " opinion " très structurée qui constitue un pôle prioritaire de l'organisation. Des étapes distinctes d'analyses de l'opinion doivent être conçues. Chacune de ces étapes a sa logique. Pour que l'utilité de ces enquêtes soit respectée, il importe d'intégrer dès l'origine un " noyau dur " de questions. L'intérêt de la succession d'enquêtes dans le temps n'existe qu'à la condition de pouvoir comparer le positionnement de l'opinion, trimestre par trimestre par exemple. Pour que cette comparaison soit possible encore faut-il que des indicateurs constants aient été mis en oeuvre. L'un des enjeux majeurs de la communication publique française c'est d'intégrer qu'aujourd'hui et dans de nombreux domaines l'opinion publique va plus vite que les outils classiques de communication politique. De ce décalage naît un redoutable risque de désintérêt, d'inefficacité. L'enquête d'opinion répond finalement à un souci prioritaire : donner les clefs pour comprendre.