La loi 2005 sur le handicap avec son volet "compensation" prévoit qu'on puisse dans un
très long dossier signaler les dépenses dues au handicap et à la maladie et qui ne sont pas remboursés.
Afin d'obtenir une modeste participation de l'Etat. (je paye malgré ma maladie incurable
et handicap lourds, impôts, taxes et redevance, j'ai un peu l'impression de me faire avoir, mais bon, c'est mieux que rien.) Mon dossier est en cours. Il y a quelque chose que je n'ai pas pu
renseigner car je n'étais pas au courant et n'avais pas les pièces justificatives: les vêtements!
Vous ne voyez pas?
*Laissez-moi vous initier à la vie mouvementée de mes fringues depuis que je suis en fauteuil!
Commençons par le début: centre de rééduc. En kiné intensive, nous portions des survêtements et des baskets. Les premiers à en baver ont
donc été caleçons et survêts: pour s'habiller, mettre une chaussure, faut attraper l'autre jambe paralysée et la passer sur la première. Pour cela... on tire sur le pantalon! Jambe paralysée, poids
mort. Et là, à force de lavages, de tirages (!), le tissu rend l'âme! Je me souviens du premier "crac" en salle de kiné. Caleçon d'une amie. On a ri, puis ça
nous est arrivé à tous, et on était pliés. Du coup, on a appelé ça les "poignées", ces déchirures au bas de la jambe.Très seyant! Nos kinés nous traitaient de clodos. (gentiment) Heureusement que
je sais repriser sans qu'on voie les points!
Puis, il y a eu les chaussures: même technique pour attraper le pied. Arrachage de lacet! Pfff! Quand vous êtes sur le point d'aller bosser, ça craint! Donc, on
opte pour un achat de baskets à scratch. Qui s'usent vite, et le scratch lui aussi s'arrache à force de tirer fort dessus. Budget chaussures conséquent alors que je ne
marche pas! Le comble! Mais comme je pédale avec ce qui me reste de mouvement, même la semelle s'use, mais comme le pied est flasque, elle ne s'use pas de façon uniforme...
Puis, on rentre de l'hôpital et on réapprend à vivre en tant que handi. Quand on est une femme, on apprend vite que bas et collants, lingerie fine quand on est incontinente, ça ne le fait pas. Déchirés par la fauteuil, souillés. Alors, on rachète toute sa lingerie, culottes mémère pour
maintenir les couches, des chaussettes etc... Le budget s'alourdit.
Moi qui ne portais jamais de pantalon avant, finies les jupes (se prennent dans les roues, au bout de 3 jupes déchirées j'ai cessé d'en porter) et les belles robes. Il a donc fallu racheter toute ma garde-robe: caleçons, pantalons. Et prévoir large pour les couches, taille au-dessus donc plus cher encore!
Prévoir aussi en grand nombre à cause des fuites et de la nécessité de se changer pour être fraîche les longues journées de taf.
On attend les soldes, les rabais, et on achète en gros.
Je dois avoir 5 caleçons noirs. Pratiques. Je ne vous fais pas de dessin!
On se dit, ça y est je suis équipée! Ruinée, mais équipée! Bah nan.
L'hiver arrive. Les bottes, on ne rentre plus dedans à cause du pied flasque et insensible (risque de casser les orteils) malgré un chausse-pied adapté handi.
Et puis avec le chauffage et le fauteuil, les pieds gonflent, et on n'entre plus dans les chaussures. (chères qu'on a achetées, un investissement perdu!) Puis,
manteau d'hiver. Argh! Il se prend dans la roue. La veste de rechange aussi. Lors des transferts, on reste accroché dedans, on risque la chute. Faut tout
racheter. Et on n'a plus de sous! Alors on ruse avec 2 gros pulls et 2 écharpes, mais on grelotte, on prend froid... On se retrouve en arrêt! Fichtre! On se
décide à acheter de très gros pulls vestes, des gilets longs mais ajustés. Le budget de Noël y passe, on renonce à se faire plaisir, mais tant pis, on a gâté les autres, c'est le
principal!
L'hiver passe. Certains pulls se prennent dans la roue
aussi. A remplacer.
Avec la belle saison, on devine déjà ce qui va arriver: les tuniques, chemisiers larges ne sont plus adaptés. Les manches chauve-souris, les ponchos, impraticables en
fauteuil manuel. Les franges, les perles ou autres décos, on oublie. Les broderies s'abîment au lavage répété. Et puis il y a ceux qui baillent parce qu'on a tellement gonflé avec la cortisone, et
quand on est assise, ça fait une vue panoramique du balcon... Gna! Le poids pris avec la cortisone explose les boutons de vos vestes, fait péter les fermetures éclairs... C'est à pleurer...
Et c'est sans fin! (sans faim lol! Bah si, la cortisone ça donne une dalle à tout casser! Argh!) Les shirts à motif dans le dos de quand on était valide deviennent soudain totalement inintéressants
hem...
On n'est pas au bout de nos peines! Les caleçons lavés x fois en automne hiver rendent déjà l'âme. Déchirés, presque transparents par endroits. Textile importé
de Chine. Qualité...absente.
Par temps de pluie, rien, mais rien ne protège le handi! On se retrouve invariablement glacé et trempé jusqu'aux os! Et le waika
pour handi spécial, cher, qu'on a acheté, c'est de l'arnaque. Comme avec le vrai k-way, on ne voit rien (voir sketch de Dany Boon!) et on sue dedans, on se prend la pluie malgré
tout.
Seule alternative: investir dans un sac poubelle taille éléphant d'Afrique et s'envelopper dedans... et encore! Bref, pas de solution
efficace.
Le nec plus ultra, quand il pleut, c'est qu'on se prend les saletés des roues sur les manches. On arrive crade et trempé au boulot, les manches du pull
dégoulinantes, crottées et pleines de boue. Parfois déchirées aussi, c'est en option. Pull de rechange...
En été, on investit dans des pantalons légers, très fins. Déchirure de la couture. Et puis il y a
les hauts, tshirts et autres pulls, qui s'usent et se râpent au contact de l'assise du fauteuil. Il y a l'entrejambe qui s'use à
cause des couches; il y a la partie "fesses" du pantalon" qui s'abîme vite. Il y a les écharpes qu'il faut nouer soigneusement et ne pas laisser traîner! Ca m'est arrivé une fois, avec un
collant aussi... Enroulé autour de la petite roue. Il a fallu tout découper aux ciseaux et jeter... Chaussures d'été? Vous n'y pensez pas... Pied flasque aucune
chance, ou alors CLIC! Canicule ou pas, vous serez en baskets à
scratch ou au mieux de grosses sandales type orthopédiques à larges bandes de maintien...ou à scratch! Très sexy! Il y a les manches longues qui se prennent dans la
roue, la poignée du fauteuil quand on veut mettre le sac à dos et craaaaaaaaaac! Et puis on craque! Après le
tissu, c'est la handi qui craque, en a marre de passer son dimanche à repriser une corbeille pleine de linge. On pleure, on se dit que ce n'est pas juste. Que l'argent qu'on arriverait à mettre de
côté est bouffé par les couches, gants, alèses et fringues à renouveler, transports spéciaux...
C'est la première année la plus dure. Parce que l'automne suivant, mémère a bien intégré les blèmes et
revu sa stratégie: acheter de la qualité, en soldes, mais pas de produit d'importation. Acheter du coton. Acheter du
stretch! Allelujah, béni soit l'inventeur du stretch!!! Il a transformé ma vie de handi: tout chez moi est stretchisé: shirts, pantalons, caleçons... Une merveille: vous pouvez tirer
dessus, ça suit le mouvement ne se déforme pas, un bonheur!
Et puis vous dites "na" et "toc" à votre handicap! Vous repartez pour une année plus sereine, moins coûteuse. (les vêtements "du bas" s'usant quand même au lavage à
cause de l'incontinence!)
*Un jour on découvre des sites ou magasins spéciaux, des fringues prévues pour le
fauteuil (moins de tissu à l'arrière des pulls, coupe différente anti-baillement.). Et puis on voit le prix......... Et on retourne aux catalogues pas chers et aux soldes!
Avec le temps, on déniche de jolies choses pas chères. On redevient coquette.
***Mais dans les moments de grand blues, on se rappelle la belle femme, élégante qu'on a été, en souliers vernis, jupes et chemisiers... On sourit. On se dit que les souvenirs sont là, et c'est
bien. On peut revivre les moments heureux... dans la tête. C'est déjà ça...
*Première parution le 11 août 2007.*
posté le 13 juin à 11:35
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