Le nouvel arsenal de lutte contre le piratage se précise.
Puisque la haute autorité administrative, l'Hadopi, ne pourra plus décréter seule la suspension de l'accès à internet des pirates après la censure du Conseil constitutionnel, ce sera au juge de sanctionner les internautes. Pour cela, le nouveau projet de loi présenté ce midi en conseil des ministres et défendu par Michèle Alliot-Marie entend "simplifier" le traitement judiciaire et éviter l'engorgement des tribunaux tout en sanctionnant du pirate à la chaîne.
Grâce aux cinq petits articles de ce texte:
La justice pourra "recourir à des procédures simplifiées pour prononcer des sanctions pour les auteurs de téléchargements illicites. Un traitement rapide et efficace du contentieux sera ainsi assuré par la voie d'ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique."Pour l'occasion, le gouvernement ressort son idée de coupure de l'abonnement internet pour une durée maximale de un an à laquelle il tient tant, qualifiée de "sanction pénale adaptée". Dès lors que cette coupure est décidée par un juge, et plus par l'Hadopi, elle ne devrait pas poser problème devant le Conseil constitutionnel. Quelque 50.000 coupures par an sont envisagées.
Ces jugements seront assurés par la voie d'ordonnance pénale, c'est-à-dire sans audience publique. Un système qui se veut "rapide et efficace" (il est employé pour délits de la route), mais qui a ses limites, soulignées dernièrement par Eolas. Le piratage reste en effet bien plus difficile à prouver qu'un excès de vitesse lorsque l'on ne dispose que d'un simple relevé d'adresses IP.
Voilà pourquoi cette coupure n'est que la première "touche" sur le clavier du tribunal correctionnel. Les deux autres touches, complémentaires, seront "l'amende pour délit de contrefaçon, voire la prison pour contrefaçon", indiquait-on mercredi après-midi au ministère de la Culture, toujours très attaché au dossier. Des sanctions déjà en vigueur, mais rarement appliquées.
L'amende refait surface, puissance deux
Pour limiter la contestation des internautes qui pourront fournir des preuves qu'ils ne sont pas responsables du téléchargement, le gouvernement envisage donc à nouveau de sanctionner non pas le piratage mais le défaut de protection de sa connexion, en créant un délit en cas de "négligence caractérisée".
Un projet de décret a circulé en début de semaine, comme l'a révélé mercredi matin par La Tribune. Il prévoit de s'attaquer au piratage "présumé", et non pas au piratage "avéré". Plus polémique, il est n'est plus aujourd'hui qualifié que de simple "piste" et de réflexion "très prudente".
Et pour cause, le gouvernement était farouchement opposé à l'idée d'une amende, s'opposant aux propositions en ce sens du député UMP Lionel Tardy. Pour ne pas perdre la face, c'est une contravention de 5ème classe qui figurait dans le projet, c'est-à-dire une amende allant jusqu'à 1500 euros ou 3000 euros en cas de récidive, alors qu'une fourchette "de 50 à 90 euros" avait été évoquée lors des débats parlementaires.
Mais qu'est-ce qu'une amende de 5ème classe ? Pour juger de la gravité du piratage aux yeux du gouvernement, voici quelques éléments de comparaison particulièrement éloquents.
Peuvent ainsi tomber sous le coup de ce type de contravention, pêle-mêle, les auteurs de :
- violences volontaires ayant entrainé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours.
- provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales.
- racolage.
- port ou exhibition d'uniformes, insignes ou emblèmes rappelant ceux d'organisations ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité.
- arrachage non autorisé d'arbres (si, si, ça existe).
VOILA UN JUGEMENT TOTALEMENT INTEGRE et OBJECTIF
Le projet de loi pourrait être examiné dès le 20 juillet, lors de la session extraordinaire du Parlement.
[Mise à jour à 20h06] Le projet de loi est en ligne.
(photo AFP /Martin Bureau)