Je peux me tromper puisque je ne suis qu'auteur, mais à mon avis lorsqu'on est éditeur et que l'on diffuse ses ouvrages en librairie, l'une des hantises, ce sont les retours d'invendus. Les invendus, ces livres qui ne sont pas vendus en librairie, soit parce que le libraire n'a pas même ouvert la caisse de livres (cela arrive, hélas comme vous le constaterez en lisant cet article du 12 janvier 2007 de 01 men), soit parce que l'ouvrage n'a pas bénéficié d'un buzz favorable ou tout simplement n'a pas plu. Le retour des invendus est à la charge des éditeurs, et représente un coût non négligeable (sans parler bien sûr de l'empreinte carbone). A tel point que l'éditeur américain Harperstudio a décidé en décembre 2008 d'éliminer cette pratique, comme on peut le voir dans cet article d'Actua Litté. Une annonce qui fait suite à celle d'Harper Collins en avril 2008 non seulement de supprimer les retours d'invendus, mais aussi dans la foulée les à-valoir des auteurs, c'est à dire des avances aux auteurs. Pour ce dernier point, c'est un autre débat que je laisse de côté aujourd'hui.
Restons sur la distribution. Comment s'organisent en France ces fameux retours ? Et pourquoi prendre un distributeur, quand on est éditeur ? Je copie-colle ici l'article de Wikipédia, qui est assez éclairant :
"En librairie, les « retours » sont les livres reçus à l'office par une librairie, invendus pendant une certaine période, qui sont renvoyés au fournisseur.
La politique dite des « retours » est un mode de distribution qui s'applique en France aux livres (soumis à une TVA de 5,5%). Le système est simple : le libraire reçoit les livres que lui propose le distributeur (cela ne s'applique pas aux livres commandés expressément par le libraire) et les paie. On appelle ces livres distribués sans commande l'Office. Il a ensuite un an pour renvoyer les invendus (non-défraîchis ou abimés) qui lui sont remboursés, généralement sous forme d'un avoir. C'est l'éditeur qui paie le retour (puis le pilonnage, le stockage ou le ré-acheminement) de ses propres ouvrages. Cette méthode permet aux éditeurs d'obtenir une grande visibilité mais ne va pas sans risques, puisqu'un livre fortement distribué mais ne se vendant pas coûte extrêmement cher à son éditeur et peut causer de graves problèmes de trésorerie. Certains micro-éditeurs (éditeurs associatifs dans des domaines spécialisés par exemple) refusent les retours et ne sont donc distribués que chez les libraires qui acceptent de commander leurs livres en compte ferme.
Ce système occasionne des trafics complexes dans l'édition de masse : un ouvrage destiné à recevoir une forte audience (biographie d'un présidentiable, ennième tome d'une bande dessinée à la mode, etc.) est souvent placé à plusieurs centaines d'exemplaires sur un point de vente très fréquenté (en hypermarché par exemple). Sur ces centaines d'exemplaires, seul un certain pourcentage est vendu (mais le nombre de livres vendus aurait été moindre si le nombre de livres placés avait été plus modeste), les invendus sont alors retournés au distributeur, qui les diffuse à nouveau dans des libraires plus petites et moins fréquentées."
En lisant le dernier paragraphe, on comprend mieux l'intérêt d'avoir un distributeur pour un éditeur, si le distributeur est capable de faire de la redistribution dans d'autres enseignes. On fait de la répartition de livres là où ils se vendent le mieux, c'est logique. Et il y a une autre raison à cela : baisser les frais de retour pour les éditeurs. En effet, si l'éditeur fait le choix de se passer de distributeur pour prendre en charge par voie postale les retours d'invendus en provenance des libraires, il y a fort à parier que cela va lui revenir plus cher qu'en faisant appel à un distributeur. C'est ce qui ressort en tout cas du site du Syndicat national de l'édition. Notamment par rapport à la distribution en province, on s'aperçoit que la profession s'est arrangée pour partager les coûts, à la fois à l'aller, où les commandes sont remises à une plate-forme de regroupement, le GIE Prisme. Le libraire choisit son transporteur dans ce groupement Prisme et si l'éditeur paie les envois au GIE Prisme, c'est bien le libraire qui s'acquittera de l'acheminement final du livre du GIE à sa librairie. De même, le libraire paie une partie des retours, jusqu'au GIE. Restera aux frais de l'éditeur le réacheminement en direction d'autres points de vente ou vers ses propres locaux. En Ile de France, l'un de ces GIE est Calibre (situé à Ivry), un organisme à but non lucratif et qui distribue pas moins de 110 petits éditeurs. Un acteur important, donc, dans la lutte pour la diversité culturelle.
Evidemment, cette fameuse distribution occasionne un nombre non négligeable d'intermédiaires qui peuvent rendre un livre plus cher, d'où la réflexion d'Harper Collins. Une réflexion qui ne concerne que les retours, notez bien. Mais si un éditeur fait le choix de se passer de distributeur (on le voit mal se passer de diffuseur, la personne qui fait la promotion des livres auprès des libraires en échange d'une commission), il est évident qu'il devra trouver un système tout aussi efficace et au moins aussi valable économiquement dans le sens des envois aux libraires comme de la gestion des invendus. Lequel ? C'est toute la question, et si vous souhaitez débattre à ce sujet en commentaire de ce blog, n'hésitez pas ! ;)