Morte Saison relate l’histoire de Carla, jeune femme d’une trentaine d’années, venue s’installer dans une maison isolée pour pouvoir travailler sereinement. Elle est rejointe par quelques amis pour une semaine de vacances avant de se mettre au travail. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que dans le coin vit une tribu d’hommes primitifs cannibales et que ceux-ci ont bien envie de faire d’eux leur prochain repas…
Ce qui frappe d’emblée dans Morte Saison, c’est le style direct et sans fioritures de Ketchum. Le roman est court (moins de 300 pages) et va droit au but, présentant une histoire classique de survival (un groupe de jeunes gens civilisés qui affronte une famille d’attardés cannibales), mais sans pour autant oublier de développer ses personnages. En quelques lignes, Ketchum arrive à planter un décor, à esquisser un caractère, sans avoir à en faire trop ou à tout expliciter. Une qualité rare de nos jours, beaucoup d’auteurs ayant du mal à laisser travailler l’imagination et l’intelligence du lecteur. Du coup, on rentre très facilement dans le livre et on s’attache très rapidement aux personnages, d’autant que Ketchum passe avec maestria d’un point de vue à un autre sans que cela ne paraisse artificiel. Le roman est assez linéaire et suit rigoureusement la chronologie des événements (chaque chapitre correspond à une heure bien précise), même s’il se permet quelques digressions pour s’intéresser à des personnages qui ne sont pas présents sur le lieu de l’action (le shérif Peters ou encore la sœur de Carla en début de livre). Une technique éprouvée pour faire monter le suspense (on coupe pile à un moment crucial pour s’intéresser à un autre personnage) mais parfaitement maitrisée par l’auteur qui n’en abuse pas trop (ces « coupures » sont généralement brèves et on replonge très vite dans l’action).
Mais ce qui impressionne le plus dans ce roman, c’est son nihilisme et sa noirceur. C’est bien simple, jusqu’aux toutes dernières pages, impossible de prédire quels personnages vont s’en sortir (voire même si certains vont s’en sortir). Des le début des hostilités, Ketchum installe un climat d’incertitude, puisqu’à l’instar d’Hitchcock dans Psychose, il sacrifie rapidement son héroïne, de manière brutale et très gore. Du coup, dès qu’un des personnages prend de l’ampleur, on tremble à l’idée de le voir éliminé à son tour. D’autant que comme dit plus haut, Ketchum prend soin de développer un minimum tous ses personnages, rendant même les personnages « chair à canon » humains et crédibles (on en vient même à pleurer pour le personnage archétypal de la « grognasse qui chougne » lorsque celle-ci se fait massacrer). Et puis surtout, Ketchum ne fait pas dans la dentelle lors des scènes de mise à mort. Non pas que le livre soit ultra gore (on n’a pas droit à des pages et des pages de descriptions de sévices contrairement par exemple à American Psycho), mais Ketchum arrive toujours à appuyer sur des points sensibles, utilisant juste quelques détails qui suffisent à instaurer le malaise sans trop en dire (une tête rasée et énucléée que l’on fait cuire dans une soupe, un personnage pendu et vidé comme un animal, etc.). De plus, l’auteur prend un malin plaisir à nous faire rentrer dans la tête des membres de la famille de dégénérés, nous poussant presque à les comprendre, ce qui s’avère très dérangeant. Quant au final, s’il ne surprendra pas trop les habitués du genre, il est néanmoins d’une noirceur assez troublante et ne manquera pas de laisser le lecteur sur les rotules.
Bref, avec Morte Saison, Jack Ketchum signait déjà un très bon premier livre, impressionnant de maitrise et qui donne furieusement envie de découvrir le reste de son œuvre.