Je voulais lire La solitude des nombres premiers parce qu’après l’avoir vu sur de nombreux blogs (et d’abord sur celui de Virginie, qui l’avait beaucoup apprécié) je l’ai retrouvé en Italie sur les présentoirs des librairies (le roman a reçu le prix Strega, récompense plutôt prestigieuse).
Me voilà donc embarquée dans le récit en parallèle des vies et des plaies de Mattia et d’Alice. Le début est terrible, et écrit de façon assez sèche pour mettre à distance l’émotion, procédé que j’aime assez. Mattia et Alice sont deux enfants qui portent sur leurs épaules des attentes trop lourdes : Mattia a une sœur jumelle handicapée dont ses parents lui confient la responsabilité, le père d’Alice rêve sa fille en championne. Lorsqu’ils savourent (et encore…) un instant de liberté, une catastrophe arrive…
Tous deux alors deviennent des adolescents en décalage avec les autres, en rupture avec leurs parents, avides de normalité (Alice) ou pas (le repli de Mattia). Et ils se torturent, par la privation de nourriture ou par la scarification et l’isolement.
A la faveur d’une fête et de manigances d’adolescentes, ils se rencontrent et les autres voient nettement qu’ils pourraient former un couple accompli, reconstituer peut-être le couple gémellaire perdu par Mattia, tandis que le regard de Mattia ne pèserait pas aussi lourd que celui des autres sur le corps d’Alice.
Mais unir ces deux « nombres premiers », soupçonneux et solitaires, est presque impossible…
Pour peindre le quotidien âpre de Mattia (qui se réfugie dans les mathématiques pour vivre dans l’abstraction et la pureté) et d’Alice la photographe (une façon de se tenir toujours à distance de la vie), Paolo Giordano use donc d’un style assez tranchant, sans artifices. S’il m’a paru assez efficace au début, j’avoue que je m’en suis un peu lassée, car il nous tient toujours à distance des personnages. Il faut reconnaître aussi que le déroulement de l’intrigue ne fait pas de concessions aux attentes du lecteur aux aspirations romanesques, pas de solution de facilité, de rédemption finale… Mais cette noirceur alliée au style rend la fin plutôt émouvante.
Je ne suis donc pas tombée complètement sous le charme de cette histoire d’amour bancal et désaccordé, mais je garde une certaine tendresse pour les personnages, pour les efforts désespérés d’Alice afin de conserver ce lien avec Mattia, pour la lassitude anxieuse de son ami.
Sébastien avait réfléchi sur la place des nombres dans le roman ; et j’avais bien aimé l’analyse de Lily sur l’attitude de Mattia et le « poids des conséquences » qui oppresse Alice.
Merci à Chez-les-Filles pour l’envoi.