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Kenny est drôle (3)

Publié le 27 septembre 2007 par Ellie Page

(Suite de l'épisode 2)

Kenny passe depuis quelques jours plus de temps hors de la classe qu'à l'intérieur.

Son papa, appelé chez lui au téléphone, a enfin trouvé le temps de venir à l'école, pour parler de son fils. A son fils. On lui a présenté un document : le contrat individuel de comportement. Tous les jours, deux fois par jour, Kenny doit aller rendre compte de son comportement à une autre maîtresse de l'école. Il a choisi comme tutrice celle de l'année dernière, celle qui pouvait encore dire "si tu ne fais pas attention à ton comportement, j'en parle ce soir à ton éducateur". 

Tous les matins et tous les après-midi, dans un tableau, Kenny doit faire un point vert s'il a été sage, ou un point rouge s'il ne l'a pas été. Sa maîtresse en fait autant (si LUI a été sage, oh là, faut pas croire !) puis Kenny va montrer son tableau à sa tutrice. Le soir, il doit apporter le tableau à son papa, qui le signe.

Ce contrat est un peu comme le tuteur d'un arbre au tronc fragile. Il est censé l'étayer et l'empêcher de plier devant les mauvaises influences. Aider Kenny à rester droit.

Le premier jour, dûment sermonné et encore fort de ses résolutions, l'enfant est fier de montrer ses points verts à tout le monde, y compris à son père (?)

Une semaine plus tard, les points rouges qui parsèment le document montrent que la maladie est toujours là.

Lors d'une sortie, où la classe devait s'initier toute la journée à la sécurité routière, Kenny, par désoeuvrement, s'est amusé à dégonfler les pneus du responsable du centre de prévention... un gendarme. Kenny est foutrement drôle parfois, n'est-ce pas ? 

Donc, Kenny est privé de sortie scolaire jusqu'à nouvel ordre.

Grand bien lui fasse, il fera des exercices de maths ou de français. Après tout, c'est aussi ça l'école.

Seulement, comme il perturbe encore la classe, il faut bien trouver une solution.

Exclure l'enfant ?

Pas question ! Nous sommes à l'école primaire. A l'école primaire on n'exclut PAS les élèves, on n'a pas le droit. On n'a pas le droit non plus de les changer d'école, c'est l'Inspecteur d'Académie qui prend cette décision de manière tout à fait exceptionnelle, par exemple si une institutrice enceinte a été rouée de coups ou brûlée à la cigarette (et encore faut-il qu'elle aille porter plainte...).Un élève qui a frappé son enseignant, mais a oublié de l'achever, va le garder en face de lui jusqu'à la fin de l'année. Et l'inverse est aussi vrai, mais de quoi se plaint-on, quand on est un fonctionnaire privilégié ? 

On m'a même raconté dernièrement l'histoire d'un collégien qui avait volé la moitié du matériel informatique de son établissement, été découvert en détention d'icelui ainsi que de marijuana et d'une arme, et qui a dû attendre un mois et demi que se tienne le conseil de discipline qui a décidé de son exclusion. Pour le procès, il faudra compter 18 mois. En attendant, on explique comment à ses petits camarades qu'il soit toujours là après ce qu'il a fait ? On leur enseigne comment l'éducation civique, la justice i tutti quanti. Mais passons.

Alors quoi ? Kenny va rester là. Il fera une année bancale. Sa maîtresse quittera peut-être l'école en fin d'année, demandant sa mutation pour ne plus revoir jamais les lieux de sa longue torture, fuyant son sentiment d'échec, comme d'autres avant elle.

A la fin de l'année, Kenny, qui va atteindre la limite d'âge en raison de son parcours perturbé, sera orienté en SEGPA, alors qu'il serait parfaitement capable de suivre une classe normale.

Après tout, pourquoi pas ?

Pas le choix. 


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