Pour les personnes qui ne connaîtraient pas René Dosière, il est considéré comme le spécialiste du budget de l’Elysée qu’il scrute chaque année depuis 2001 ou 2003, selon les sources… Je recommande particuliè-rement sa fiche sur Wikipedia. Qu’il n’ait pas l’heur de plaire à l’Elysée ou à l’UMP est évident. Mais qu’un député socialiste lui tire dessus, voilà qui dépasse l’entendement !
Pour expédier rapidement l’inepte Jean Launay, je me contenterais de ses propos. Non seulement il fustige le rapport de René Dosière sur les dépenses 2008 de la présidence de la République comme un “vrai-faux rapport destiné à occuper l’espace médiatique” mais qui plus est, il admet “s’en tenir au cadre de son rapport et aux chiffres fournis par l’Elysée”…
Voilà qui constitue un sérieux gage de curiosité intellectuelle et d’indépendance d’esprit ! Pas très fort pour un Inspecteur des finances de profession… Il n’est pas étonnant que son exercice soit salué par le très intelligent Eric Lefebvre qui oppose à “l’exercice personnel et imprécis, mais volontairement agressif et polémique, de M. Dosière” “l’honnêteté” de Jean Launay… Fermez le ban !
Selon le NouvelObs, «en novembre 2008, la publication du rapport de Jean Launay sur le budget “Pouvoirs publics” qui inclut les comptes de l’Elysée, avait provoqué un tollé au sein du groupe socialiste à l’Assemblée». Jean Launay y saluait, comme l’exécutif, la “transparence” des comptes de la présidence. L’un de ses collègues PS l’avait alors accusé d’être “en mission pour l’Elysée”… Cela situe bien le personnage.
Nicolas Sarkozy est à l’évidence un animal «budgétivore» parmi les plus gourmands.
Comme le souligne René Dosière, ce que d’ailleurs nous savions déjà et que je n’avais pas manqué de dénoncer à plusieurs reprises, le budget de l’Elysée – qui était déjà passé de 3,3 millions d’euros à 33 millions sous l’ère Chirac – a été ensuite multiplié par 3 par Nicolas Sarkozy pour atteindre fin 2007 la faramineuse somme de 100 millions d’euros. Pour les personnes qui auraient encore du mal à réaliser : soit 650 millions de francs…
Un tel chiffre – 7000 fois le revenu d’un smicard ! - a bien de quoi donner le tournis à tous ceux, chaque jour de plus en plus nombreux, qui se demandent comment «faire la soudure», entendre : boucler les fins de mois difficiles.
Or, dit la sagesse populaire «l’appétit vient en mangeant» et celui de Nicolas Sarkozy semble inextinguible… Le budget global de l’Elysée pour 2008 atteint 113,182 millions d’euros, une augmentation de 18,5 % par rapport à 2007 et même de 21,7 % pour les seules dépenses de fonctionnement… soit un rythme 7 fois supérieur à l’évolution du budget de l’Etat !
Cela me paraît fort inconvenant dans un temps de crise économique et sociale particulièrement grave quand grand nombre des Français, aussi bien les plus pauvres que parmi la classe moyenne, sont obligés de se serrer la ceinture et que la plupart sont inquiets pour l’avenir immédiat, qu’ils aient déjà perdu leur emploi ou redoutent d’être licenciés.
C’est aussi inconvenant quand on sait que le gouvernement impose à l’ensemble des ministères, services de l’Etat et fonctionnaires de réaliser des économies drastiques. Ce qui serait fort louable s’il s’agissait de s’attaquer aux seuls gaspillages mais vise hélas uniquement à «réduire la voilure» de l’Etat sans nul souci d’en assurer les missions en vue du bien commun. Comme en témoigne à l’envi les suppressions massives d’emplois dans la fonction publique dans des secteurs pourtant essentiels : enseignement et santé en particulier.
René Dosière épingle le manque de «transparence» du budget de l’Elysée en dépit des promesses de Nicolas Sarkozy… Mais bien fol qui s’y fierait ! Le Président de la République promettant plus vite que son ombre et ne respectant jamais sa parole qu’il a pourtant fort prolixe, disant tout et son contraire en fonction des auditoires et des buts qu’il poursuit.
Même chose pour le ministre des Relations avec le Parlement – Roger Karoutchi – qui n’avait pas manqué d’annoncer qu’un rapport d’activités détaillé serait publié… Serait-il encore sous presse ? Selon René Dosière, la prétendue «transparence» du budget de l’Elysée est un leurre : les commentaires – 5 pages - qui accompagnent le tableau financier étant «toujours aussi laconiques, partiels et anecdotiques».
Ainsi, s’agissant de la garden party du 14 juillet, l’Elysée avance que des économies auraient été réalisées grâce à des appels d’offres (notamment pour les dépenses des traiteurs) mais cela ne se traduit aucunement par une baisse des dépenses, bien au contraire ! Son coût est passé de 419.213 euros en 2007 à 475.000 euros en 2008 (soit une augmentation de 13,4 %) pour la raison bien simple que le nombre d’invités est passé de 5.500 à 7050… Quand on vous dit que la «Maison Sarko» ne se refuse rien !
Il suffit d’ailleurs de s’armer d’une calculette pour constater que l’appel d’offres n’a guère été aussi fructueux que les services de l’Elysée tentent de le faire accroire : 9 euros par tête de pipe ! A 76 ou 67 euros, le «Resto du Cœur» élyséen traite ses commensaux – parasites ou véritables «assistés» chroniques ! - sur le plus grand pied possible…
Idem pour les personnes travaillant à l’Elysée et dont le coût global est loin d’être négligeable : 70 millions d’euros. Le rapport n’indiquant que l’effectif global : 1031 personnes, sans aucune précision sur les affectations et le nombre de contractuels alors que s’agissant de l’effectif des fonctionnaires mis à la disposition de l’Elysée par les différents ministères, il est fort fluctuant selon les sources : de 860 à 882 ! Comme le souligne René Dosière avec son humour grinçant : «Six chiffres différents pour la même période, ça fait désordre ! »…
C’est donc à bon droit, et en spécialiste des finances publiques, qu’il demande une liste précise par affectation, service et statut du personnel en poste à l’Elysée, «tableau du personnel» obligatoirement joint au budget de chaque collectivité territoriale…
René Dosière pointe par ailleurs des «manipulations budgétaires» contraires aux principes et procédures prévues par la LOLF (loi organique sur les lois de finances) qui ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des services de l’Etat, budget de l’Elysée compris. Il précise néanmoins qu’il ne s’agit pas de «fraude» mais bien plutôt de «bricolage» !
Autrement dit, l’Elysée qui a trop dépensé – 113 millions d’euros au lieu des 110 inscrits à son budget, en dépit d’une «rallonge» de 9,2 millions d’euros régulièrement votée fin 2008 – fait feu de tout bois pour combler son déficit, sans s’inquiéter de la stricte légalité budgétaire. Passant notamment outre l’obligation de prendre par décrets dits «de transfert» la mobilisation des crédits inscrits au budget des ministères vers celui de l’Elysée.
Pour la première fois, la Cour des comptes devrait examiner les dépenses de l’Elysée. Je ne saurais présager du résultat qui devrait être rendu public en juillet 2009. Bien entendu, il ne s’agira sans doute pas d’un examen portant sur l’opportunité des dépenses mais uniquement de savoir si le budget de l’Elysée, tel qu’il est présenté, est rigoureux et sincère comme le veut la loi.
En outre, René Dosière en attend que ces hauts magistrats financiers fassent le départ entre les dépenses liées au fonctionnement de la présidence de la République et celles qui relèvent des dépenses personnelles du Chef de l’Etat.
En effet, le substantiel salaire accordé au Président de la République depuis 2007 implique que ses dépenses personnelles ne soient plus imputées sur le budget de l’Elysée… Seule la Cour des comptes qui disposera des factures fournies par l’Elysée est à même de distinguer ce type de dépenses.
Comme René Dosière, j’attends de voir ! Espérons que Philippe Seguin qui préside cette vénérable institution depuis 2004 sera à la hauteur de sa réputation d’indépen-dance et qu’il ne ménagera ni la chèvre ni le chou.
Ce serait plutôt du dernier marrant si Nicolas Sarkozy – tellement accro à l’argent public - se voyait obligé de rembourser des sommes utilisées pour son usage personnel… Et une Rollex, une !
Je rappellerais au passage que c’est le même René Dosière qui avait foutu le brun au sujet de la carte bleue attribuée par l’Elysée à Cécilia Sarkozy, ex-première dame de France, alors que celle-ci n’y avait à l’évidence aucun statut. Carte bleue qu’elle s’empressa de rendre.
Bien évidemment, le titre du rapport de René Dosière : «Des chiffres et des lettres» - emprunté à une émission de jeu qui fit naguère les beaux jours (ou plutôt les avant-soirées) d’Antenne 2 – ne doit rien au hasard…
Comme il le souligne : «On voit bien qu’il s’agit plus de communication que d’analyse financière (…) et chacun sait qu’en matière de communication, les lettres comptent plus que les chiffres». Nous savons au demeurant que la com’ est reine en Sarkoland, au détriment de la rigueur des preuves, sans même parler des mensonges à répétition qui sont à la base de la Constante de Sarkozy (© mémé Kamizole).
Il n’en reste pas moins que René Dosière est dans le vrai quand il souligne que «toutefois, en matière d’analyse financière – domaine qu’il connaît parfaitement – c’est exactement le contraire. C’est moins poétique mais plus rassurant pour les contribuables qui souhaitent connaître l’utilisation de leurs impôts». Et toc ! Voilà qui est parfaitement dit.
Jean Launay peut dire n’importe quoi et ne s’en prive pas. Après tout, c’est son droit même si cela m’inspire le plus profond mépris dont, contrairement à Chateau-briand – il y aurait trop de nécessiteux ! - je n’en serais point avare…
En ces temps où notre «monarque républicain» Sarko 1er - rappelant furieusement le «Prince-Président» Louis-Napoléon Bonaparte – prend la parole devant le «Congrès» comme un monarque de la Restauration, de la Monarchie de Juillet ou du Second Empire, ne tolérant qu’un simple «droit d’adresse» mais nul débat aux parlementaires, je ne peux m’empêcher de penser aux efforts désespérés mais pathétiques du républicain Emile Ollivier cherchant, notamment après 1860 et le tournant libéral et démocratique de Napoléon III, à instaurer un régime réellement parlementaire.
Qui se souvient aujourd’hui d’Emile Ollivier ? Les «poubelles de l’Histoire» sont pleines de politiciens de même eau, toujours prêts à se plier aux exigences du Prince. Qu’ils soient de bonne ou mauvaise foi, peu importe. Il suffira sans doute d’un «Sedan» quelconque pour que, comme Emile Ollivier jadis, Jean Launay soit balayé comme une «raclure» de l’Histoire…
SOURCES
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Le budget de l’Elysée augmente sept fois plus vite que le budget de l’Etat
Budget de l’Elysée: «Un problème de transparence»
L’Elysée s’accorde une rallonge de 9,2 millions d’euros pour 2008
Le Figaro